Caveat Emptor (Que l’acheteur soit vigilant) pour éviter le mauvais manager
Comment un mauvais manager peut-il s’évader dans un numéro à la Houdini laissant l’employeur personne morale seul face aux responsabilités ?
J’ai déjà évoqué les risques pour la personne morale et les dirigeants de droit de tolérer des collaborateurs qui ne sont pas vigilants sur l’obligation de sécurité de résultat et/ou dont la gestion est peu rigoureuse : direction salariée ou chef de service à responsabilités de management.
Des administrateurs, ou chargés de recrutement dans les cabinets de recrutement avec des tests psychologiques et analyses graphologiques à la pertinence douteuse pour justifier leurs honoraires, peuvent être séduits par le discours d’un mauvais manager : Dans un article sur la notion de « mauvais collaborateur », j’ai rappelé que le Littré définit le terme « mauvais » comme « Qui n’a pas les qualités qu’il doit avoir » et que par rapport à un collaborateur, deux dimensions sont à prendre en considération : d’une part la question du manque de compétence, d’autre part la question du manque d’éthique.
On est rassuré par l’expérience professionnelle. Or l’expérience n’est pas la compétence. Un collaborateur ou un dirigeant peut passer plusieurs années à un poste sans être pour autant compétent. Mais ses références et la longévité rassurent d’autant que les employeurs précédents ne reconnaîtront pas s’être trompé. Si le défaut de compétence peut toutefois se corriger par de la formation, il n’en est pas de même des carences éthiques.
Dans une acception normale, le collaborateur ou le dirigeant qui n’est pas correct est bien celui qui manque de d’intégrité et de probité, le Professeur Nilles , allant jusqu’à considérer que l’éthique est une compétence professionnelle. Alors que la morale définit des principes ou des lois générales, l’éthique est une disposition individuelle à agir selon les vertus, afin de rechercher la bonne décision dans une situation donnée. La morale n’intègre pas les contraintes de la situation. L’éthique au contraire n’a de sens que dans une situation. La morale ignore la nuance, elle est binaire. L’éthique admet la discussion, l’argumentation, les paradoxes. L’approche de l’éthique professionnelle doit reposer à la fois sur la dimension morale (il ne peut s’agir d’ignorer les principes) et sur la dimension éthique (quelle décision est la meilleure dans le cas présent ?). Lorsque cette réflexion devient collective et fait l’objet d’une formalisation, la démarche devient déontologique, dans un sens large. Si ces règles ont une valeur pour l’ensemble d’une profession et font l’objet d’une reconnaissance officielle, il s’agit d’une déontologie au sens restreint.
C’est cette compétence éthique des collaborateurs qui est la plus sensible pour la réputation.
Lorsque les mauvais managers manquant d’éthique réalisent que l’étau se resserre autour d’eux, ils peuvent organiser leur disparition de la scène managériale laissant la personne morale et les dirigeants de droit face aux situations litigieuses et/ou déficits qu’ils auront créé par leur management désastreux.
Les facteurs de suspicion
Plusieurs facteurs de suspicion constituent un faisceau d’indices lors de la disparition soudaine de la scène managériale d’un mauvais manager quelle que soit la forme de cette disparition.
D’abord, si la disparition de la scène managériale intervient alors qu’il y a de manière concomitante un étau qui se resserre :
- un rapport demandé par le Comité d’Entreprise à un organisme de type Syndex dont les résultats sont mauvais
- une enquête administrative (tutelle s’il y a lieu , inspection du travail)
- des procédures contentieuses qui s’accumulent devant le Conseil de Prud’Hommes, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et le cas échéant le Tribunal Administratif pour les salariés protégés.
- …
Ensuite si une (des) formations prise(s) en charge par l’entreprise vient(viennent) d’être achevé(es), la disparition soudaine est également suspecte d’autant plus si le mauvais manager vient de mettre en ligne un CV actualisé et élaboré sur un site professionnel (site de fédération professionnelle, site emploi…).
Enfin, l’intervention tardive de la hiérarchie du mauvais manager devant le personnel après la disparition soudaine de la scène managériale peut laisser entendre que la hiérarchie se donne le temps de prendre connaissance du désastre de son management et ses dissimulations avant de communiquer aux salariés sur la situation laissée.
Les voies de disparition
Il y a des voies de disparition unilatérale et une voie de disparition par accord.
Les voies de disparition unilatérales
Indépendamment du licenciement qui est délicat s’il y a eu tolérance de la hiérarchie, le mauvais manager peut avoir intérêt à prendre les devants par une démission pour aller ailleurs laissant l’établissement faire face aux situations litigieuses que son management a créé, ou par un arrêt maladie
La démission
La démission est choisie et préparée (d’où circulation du CV actualisé et travaillé).
Il est peu probable qu’un préavis sera exécuté si jamais il appert des fautes avérées.
La maladie
Le mauvais manager peut aussi se mettre en arrêt maladie.
Mis à part le cas rarissime où le mauvais manager a vraiment développé un cancer par le mauvais stress généré par ses mensonges et dissimulations (il y a une corrélation entre stress et cancer), il peut y avoir développement de pathologies à l’instar de chef de service dans le film De gré ou de force développant une maladie de peau infligée par le stress.
La maladie n’est pas qu’une hypothèse de fiction : ainsi l’épouse condamnée du directeur de la CPAM de Boulone a fini en arrêt maladie ainsi que l’a relevé La Voix du Nord commentant un rapport de la Cour des Comptes : « La cour rappelle encore que suite à cette condamnation, elle a eu une bonne note de la part du directeur puis elle a été admise en congé maladie de longue durée et a été mise récemment en invalidité. »
La demande de congé sans solde
Comme le précise le site www.services-public.fr, le salarié peut demander à son employeur de bénéficier d’un congé sans solde, mais l’employeur n’a pas l’obligation de le lui accorder. Le congé sans solde n’étant pas organisé par la loi, un écrit co-signé par l’employeur et le salarié doit préciser la date du congé et sa durée. Le congé sans solde entraîne la suspension du contrat de travail. Le salarié continue à faire partie des effectifs de l’entreprise, tenu de respecter ses obligations de loyauté, de discrétion et, éventuellement, de non-concurrence envers son employeur.
Comme le rappelle le site du ministère du travail, le congé sans solde n’est pas un congé légal, prévu dans le code du travail. Cependant, certaines conventions ou accords collectifs peuvent le prévoir. Il convient donc au salarié de s’y reporter. Pendant toute la durée d’un congé sans solde, le salarié bénéficie comme pour le congé sabbatique, à compter de la date de cessation de son activité salariée, du maintien de ses droits aux indemnités journalières en cas de maladie et de maternité, et aux prestations des assurances invalidité et décès, au remboursement de ses soins en cas de maladie et de maternité. La durée du maintien de droits pour les indemnités journalières et le remboursement des soins est fixée à 1 an.
Quand on est malade on prend un congé maladie voire longue maladie , mais certainement pas un congé sans solde qui ne donne aucun droit de regard sur l’état de santé réel par l’employeur par une contre visite médicale. Si le mauvais manager demande un congé sans solde pour raison de santé cela est hautement suspect.
Le « congé sans solde » peut aussi être un « élément de langage de la hiérarchie, qui a cautionné les erreurs, fautes et dysfonctionnements parfois sciemment ce qui est rédhibitoire surtout s’il s’agit d’élus d’institutions de la République administrateurs, pour communiquer de manière laconique à court terme : dès lors que cette hiérarchie a été complice elle ne peut mettre à pied ou licencier et doit « habiller le départ » et le cas échéant se donner le temps d’évaluer la situation avant de communiquer de manière plus précise sur la situation et l’avenir.
Le congé sans solde peut d’ailleurs lui-même déboucher sur une démission pour laquelle il est vraisemblable qu’il ne sera pas demandé d’exécuter le préavis…
Quoi qu’il en soit, des élus des institutions de la République au comportement minable pour avoir soutenu en connaissance de cause le mauvais manager sans rien vérifier de ses assertions trompeuses et des alertes internes ne sauraient conserver leurs fonctions au sein des institutions de la République en période de crise et de déficits. Ils ont gravement porté atteinte à la légitimité du pouvoir de direction des employeurs et du management en général.