La loyauté au travail
Le renforcement de l’exigence de loyauté des candidats à un poste est posé par la Cour de Cassation qui rappelle l’importance de la loyauté au travail.
Fin juillet 2012, était dans l’actualité le procès de Jean-Philippe Gaillard, resté trois mois directeur de l’aéroport international de Limoges avec de faux diplômes et références. Reconnu coupable d’escroquerie, Jean-Philippe Gaillard il sera condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis.
Depuis la Cour de Cassation, chambre sociale, a été amené à revenir sur la loyauté du candidat à un emploi et préciser la définition de loyauté pour les candidats.
Dans un arrêt non publié (Cass. soc, 25 novembre 2015, N°14-21521), mais largement commenté, la Cour de Cassation a ainsi posé le principe fondamental de loyauté du salarié dans le processus de recrutement.
Un salarié a été engagé par la société ACME PACKET UK qui avait fait appel à un cabinet de recrutement. Il s’est avéré que le salarié a menti sur son CV et dans ses correspondances avec le cabinet de recrutement. Il a été licencié pour faute grave confirmée par la Cour de Cassation.
L’analyse des faits évoqués par le salarié dans les motifs de cassation annexés est riche d’enseignements et de réflexions en matière de recrutement.
La présentation du CV, tel qu’il est décrit, est incontestablement trompeuse pour faire croire que l’emploi est toujours en cours : le CV comporte une date de début et une date de fin, l’emploi chez CISCO SYSTEMS/TANDBERG ne comporte pas de date de fin.
Il ne semble pas que la société ACME PACKET ait mis en cause la compétence du salarié. Il est rappelé au préalable, et le salarié s’en est prévalu sans succès, que la Cour de Cassation a statué en 1999 que la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l’embauche n’est un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la nullité du contrat de travail que si elle constitue un dol : elle ne constitue une faute susceptible de justifier le licenciement que s’il est avéré que le salarié n’avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté (Cass. soc, 30 mars 1999, N°96-42912).
La Cour de Cassation s’est positionnée sur le terrain de la loyauté.
Clairement le candidat a voulu accréditer auprès du recruteur qu’il était toujours en poste (par un mail du 14 mars 2011 il indique au cabinet de recrutement qu’il sera indisponible début avril 2011 devant rencontrer 2 clients au siège de CISCO en Californie ; le 7 avril 2011 il fait savoir au cabinet de recrutement que sa lettre de démission pour CISCO /TANDBERG est prête), ce qui corrobore que l’omission de la date de fin sur le CV n’était pas une « erreur de plume » mais bien une tromperie, un dol lors du recrutement.
Le cabinet de recrutement n’est pas fautif car il n’est pas possible d’appeler un employeur en cours.
La limite des références pour le contrôle de la loyauté au travail
Mais en tout état de cause, la prise de références auprès d’anciens employeurs n’est ni une garantie de compétence, ni une garantie de probité du candidat si l’ancien employeur est lui même incompétent et/ou malhonnête, ce qui a été la cause du départ, ou si l’ex employeur a été abusé et ne veut pas (se) l’avouer, le cas échéant avec moyens de pression de l’ex salarié sur l’ex employeur.
Le collaborateur choisi pour son intégrité et sa probité douteuses dont l’entreprise finit par vouloir se séparer peut faire pression sur ses ex employeurs et/ou son réseau pour se réinsérer professionnellement : directeurs, responsables financiers, comptables, informaticiens… peuvent ainsi mettre en avant les petits (et grands) secrets qu’ils détiennent et dont leur révélation pourrait être nuisible à son ex hiérarchie et/ou à l’entreprise. C’est ainsi que dans la pratique, la capacité des personnes malhonnêtes et/ou incompétentes à rebondir est indécente. Est-ce à dire que des collaborateurs malhonnêtes doivent être à jamais rejetés ? Non, car ce ne serait pas très… éthique. On peut recruter de tels collaborateurs mais sous certaines conditions. D’une part, lorsqu’une entreprise décide le recrutement d’un collaborateur qui n’a pas été correct, surtout lorsque les sources sont officielles et publiques (un procès mettant en cause la probité du collaborateur par exemple), il faut expliquer que l’on veut lui donner une nouvelle chance et surtout ne pas le faire passer pour correct auprès du personnel. D’autre part, si une entreprise recrute un tel collaborateur, elle ne doit pas lui confier n’importe quelle fonction. En particulier il faut proscrire les postes à responsabilité et notamment de direction, de direction financière et de recrutement.
Des outils de contrôle de la loyauté au travail
Il n’est pas facile de détecter un mensonge de salarié, mais des outils sont annoncés qui pourront aider au contrôle de cohérence, comme notamment Interactive Fact Checking System proposé par LinkedIn. Le projet vise à une une vérification en direct de cohérence des informations du CV par comparaison aux traces du candidat sur Internet : moteurs de recherche, messagerie, réseaux sociaux, reconnaissance vocale, faciale, biométrique, traduction de sources étrangères, etc.
Comme l’a souligné Le Figaro, « selon la société Vérifdiploma, un quart des CV comportent des informations fausses et près de la moitié des recruteurs pensent que les candidats gonflent leur CV. Sur la toile comme sur papier, la fiabilité d’un CV ne repose que sur l’honnêteté de celui qui l’écrit. Les mensonges passent d’autant plus facilement que deux employeurs sur trois ne vérifient pas le contenu des CV qu’ils reçoivent. Dans ce contexte, la mise en œuvre du système de fact-checking déposé par LinkedIn pourrait changer la donne et contraindre les candidats à davantage d’intégrité ».
La création d’un service numérique pour délivrer les attestations de diplômes d’Etat pour garantir l’authenticité du diplôme va dans le bon sens mais elle ne suffira pas car les diplômes nationaux les plus anciens visés par l’Etat français et/ou conférant un grade universitaire n’y sont pas et les établissements étrangers et les écoles privées n’entrent pas dans le dispositif.
En savoir plus :
- « Que risquez-vous à mentir sur votre CV ? », par Mathilde Hardy sur Cadremploi, 2 juillet 2020
- « Les mentions mensongères insérées dans un CV justifient-elles un licenciement pour faute grave du salarié ?« , par Christophe M. COURTAU, Juriste, Conciliateur de Justice près le Tribunal d’Instance de Versailles, 8 mars 2016