Gabegie des hôpitaux révélatrice de très mauvaise gestion financière
La gabegie des hôpitaux est un un problème de gouvernance des directions et des tutelles qui n’agissent pas comme il faudrait face à la très mauvaise gestion financière.
Le quotidien La Provence a publié un article relatif aux hôpitaux marseillais de l’AP-HM : « Marseille : l’Hôpital n’est plus hors la loi« .
Cité, le cabinet du nouveau directeur général de l’AP-HM Jean-Jacques Romatet prévient « Le retour à la légalité ne sera pas négociable, même s’il est parfois difficile et douloureux et doit se traduire par des pertes de revenu pour certains agents ».
Il s’appuie sur une décision judiciaire qui tombe à pic, émanant de la cour de discipline de la chambre régionale des comptes (CRC), juridiction saisie en 2012 suite à un rapport accablant de la CRC sur la gestion du personnel de l’AP-HM.
De quoi s’agissait-il ?
La CRC avait reproché :
Des rémunérations irrégulières particulièrement coûteuses et dont la suppression s’impose
S’agissant des astreintes non dérangées, l’étude approfondie réalisée par la chambre lors du précédent contrôle sur les services et marchés informatiques de l’AP-HM avait permis de constater que la règlementation n’était appliquée que depuis le 1er octobre 2009 pour les agents de la direction des services informatiques et de l’organisation, et depuis le 1er août 2010 pour le personnel soignant. Le présent contrôle a permis d’évaluer à 5,9 M€ le montant des sommes indûment versées au titre des astreintes non dérangées entre 2004 et le 1er août 2010 au personnel non médical des différents sites de l’AP-HM.
De plus, la prime d’intéressement et la prime de présentéisme instituées par l’AP-HM pour compenser la perte de rémunération liée à la régularisation du paiement des astreintes sont irrégulières, car elles ne reposent sur aucun texte. Leurs montants additionnés à celui de la prime de service dépassent par ailleurs les critères de l’arrêté du 24 mars 1967 modifiant les conditions d’attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d’hospitalisation, de soins ou de cure publics. L’argument de l’établissement selon lequel ces primes seraient payées sur le reliquat de la prime de service n’est donc pas fondé et ne résout pas le problème de leur irrégularité. En 2010 la prime d’intéressement représente un coût de 0,3 M€ et la prime de présentéisme 1,1 M€.
L’AP-HM accorde à son personnel d’autres primes irrégulières, également dépourvues de fondement législatif ou règlementaire. Ces primes atteignent un montant de 1,2 M€ pour les exercices 2008 et 2009. Elles comprennent une prime dite d’objectif et une prime dite spécifique attribuées à des personnels contractuels pour des montants respectifs de 102 608 € et de 948 111 €. Le montant total des primes de service indûment perçues par des personnels contractuels s’élève pour sa part à 49 896 €.
La chambre invite le directeur général à mettre fin à l’ensemble de ces paiements de primes irrégulières.
Le recours abusif aux contrats et les mesures irrégulières en faveur de certains cadres de direction
Les contrats de certains personnels non titulaires de l’AP-HM sont contraires aux dispositions de la loi de 1986 en raison de leur durée et du non respect des conditions fixées pour leur établissement.
De plus, ces contractuels bénéficient de rémunérations non prévues par leur contrat.
Un de ces contrats prévoit qu’en contrepartie d’une participation de l’intéressé aux gardes de direction, celui-ci bénéficiera de la mise à disposition à titre gratuit d’un logement appartenant au patrimoine de l’AP-HM ou percevra une indemnité compensatrice d’un montant de 1 485 € bruts dans l’hypothèse où la mise à disposition d’un logement par l’AP-HM ne serait pas possible. Or, un poste de directeur adjoint ne peut en aucun cas être occupé par un contractuel, qui ne peut dès lors ni effectuer de gardes, ni bénéficier d’un logement de fonction par nécessité absolue de service. Le régime applicable au logement de fonction des directeurs d’hôpital est désormais régi par le décret du 8 janvier 2010 subordonnant l’octroi de cet avantage à l’occupation d’un emploi au sein de l’établissement et à l’accomplissement effectif de gardes de direction. Un ancien directeur général mis à disposition auprès de l’IGAS, bénéficie pourtant de l’indemnité compensatrice alors qu’il n’effectue aucune garde et que sa convention de mise à disposition ne fait pas mention d’une telle indemnité. Par ailleurs la prise en charge de sa rémunération n’a été que partiellement remboursée par le ministère, contrairement à ce qu’impose la convention de mise à disposition.
Deux cadres de direction ayant exercé leurs fonctions à l’AP-HM ont bénéficié d’une promotion au grade de la hors classe sans remplir les conditions requises. Leurs mutations croisées entre l’AP-HM et le Centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) se sont en effet révélées être des mutations pour ordre, les intéressés étant restés dans leur établissement d’origine, alors que la mobilité géographique était une condition obligatoire de ces promotions.
L’article de la Provence est silencieux sur les administrateurs membres du conseil d’administration (avant la loi HPST) et sur la tutelle ARH à l’époque des faits qui avaient la charge du contrôle de la direction au fil de l’eau et qui ne sont pzas étrangers à la très mauvaise gestion financière.
L’ARH était dirigée à l’époque par Mr Christian DUTREIL depuis un décret du 15 janvier 1997 portant nomination de M. Christian DUTREIL en qualité de directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il a quitté ses fonctions en 2009 pour prendre sa retraite selon La Provence. Il a été élu, le 12 juillet 2010, président de la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie en Paca (CRSA).
Les ARH avaient été instituées au titre IV de l’Ordonnance no 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée. Comme le précise un rapport d’avril 2007 titré « Les agences régionales d’hospitalisation et le pilotage des dépenses hospitalières : mission d’audit de modernisation » :
Créées en 1996 pour recomposer l’offre de soins et allouer les moyens des établissements publics, les 26 agences régionales de l’hospitalisation (ARH) sont chargées de
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- la définition de la politique régionale d’offre de soins hospitaliers
- la tutelle des établissements de santé (article L. 6115-1 du code de la santé publique) – la tutelle peut se définir comme l’encadrement général et le contrôle de établissements
- elles participent à la fonction de pilotage des établissements, exercée par la DHOS, que l’on peut définir comme la détermination (DHOS) et le suivi (ARH pour une large part) des objectifs et des politiques publiques mises en œuvre par les établissements de santé.
Quand à l’ordonnateur des dépenses, Guy Vallet, il a dirigé l’établissement du 11 mars 2002 au 30 avril 2008. La lecture de sa réponse à la CRC impute les responsabilités à son prédécesseur et aux 35 heures (qu’est devenu ce prédécesseur ?). Il a présidé le concours d’entrée au cycle de formation des élèves-directeurs d’hôpital Année 2011.
Au total, l’on voit que la question de la gouvernance des établissements se pose pour expliquer la très mauvaise gestion financière. On s’est beaucoup targué de gouvernance hospitalière ces dernières années. Le mot « gouvernance » est ainsi cité 23 fois dans le rapport de 2007 précité. Mais la réalité est toute autre et explique pour une large part la crise de l’hôpital aujourd’hui, la loi HPST et la création des ARS n’ayant rien arrangé surtout lorsque dans certains cas les restructurations obéissent manifestement à une logique politicienne pour le moins et non d’intérêt général pour couvrir latrès mauvaise gestion financière.