L’ANI du 11 janvier 2013 a divisé les syndicats représentatifs au niveau national
L’ANI du 11 janvier 2013 avec des syndicats représentatifs au niveau national a été un accord historique pour le MEDEF mais il a rendu hystériques les syndicats non réformistes. Il s’avère objectivement négatif pour l’Etat de droit.
Cet accord présenté historique et salué par l’Exécutif a été conclu entre le patronat et des syndicats représentatifs au niveau national, quand d’autres syndicats le fustigent renforçant la bipolarisation du syndicalisme.
A titre liminaire, avant de donner mon sentiment sur cet ANI et les réactions qu’il suscite, je ferai deux observations :
- D’une part, les propositions des organisations patronales suscitent des préjugés que l’on peut comprendre, car elles ne désavouent jamais les employeurs qui ne sont pas corrects (entrave, harcèlement moral, discrimination, fraude, corruption, profit cynique au détriment des salariés dans le partage de la valeur ajoutée…). Tout patron se comportant mal à l’égard des salariés devrait être exclu de l’organisation patronale et ses décisions ne devraient certainement pas être soutenues par l’administration du travail à tout niveau.
- D’autre part, des syndicats représentatifs au niveau national défendent une vision qui n’est plus tenable dans le monde actuel concurrentiel nécessitant des capacités d’adaptation rapide des entreprises, ce qui n’aide pas les salariés à faire un aggiornamento nécessaire, et accessoirement couvrent leurs mauvais éléments.
On voit cet état de chose à la lecture de l’ancien inspecteur du travail Gérard Filoche, qui écrivait sur son blog, dans un commentaire daté du 11 janvier 2013 pour l’article « CFDT en danger, ne signez pas ce que le Medef vous propose, respectez la démocratie, unité !« , que « l’économie moderne, de pointe n’a pas besoin de flexibilité mais de salariés bien formés, bien traités, bien payés, ce sont ceux là les plus productifs, les plus réactifs, les plus compétitifs ! pas les flexibles, mal payés, maltraités, mal motivés ! Le patronat veut des « flexibles » parce qu’il veut couler l’économie pour les besoins de la finance, le patronat ne veut pas de compétitivité il ment, car s’il voulait la compétitivité il baisserait ses dividendes et elle serait là immédiatement !« . Il a raison. Et il a tort.
CFDT, CFTC, CGC sont finalement tombés d’accord sur un texte avec les représentants du patronat. Les autres syndicats salariés s’insurgent dénonçant le manque de légitimité des syndicats ayant donné leur accord sur un texte qu’ils dénoncent. Tous sont des syndicats représentatifs au niveau national.
Il est vrai que le diable est dans les détails, mais la critique est-elle de bonne foi ? Sans reprendre tous les articles de l’accord, je commenterais quelques unes des réflexions faites sur le blog de Gérard Filoche et sur un tract de la CGT. Le tract est très primaire stigmatisant des articles de l’accord tandis que Gérard Filoche apporte un commentaire dynamique de l’esprit et des incidences de l’accord à la lumière de son expérience de praticien du droit du travail.
Le tract de la Fédération des travailleurs des Industries du Livre, du Papier et de la Communication CGT
Je reprendrai ci-après brièvement la reformulation des articles par le tract apportant mes observations en commentant la lecture de l’accord par Gérard Filoche.
Pour le tract, l’article 7, « création d’un droit à une période de mobilité volontaire sécurisée », invente une extension de la rupture conventionnelle.
Pour le tract, l’article 18 introduit une nouvelle possibilité de licenciement : si un salarié n’est pas d’accord avec l’accord patronat-syndicats conclu dans l’entreprise sur cette base, s’il refuse les mesures prévues par l’accord, la rupture de son contrat de travail qui en résulte « s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité. »
Pour le tract, l’article 20 stipule que le plan de licenciement d’au moins 10 personnes dans une entreprise de plus de 50 salariés doit se dérouler dans un temps record, réduit de façon que la procédure ne traîne pas.
Pour le tract, l’article 22 veut « expérimenter » un contrat de travail intermittent sur des « emplois permanents comportant, par nature, une alternance de périodes de travail et de non travail. »
Pour le tract, l’article 23 intervient dans l’ordre des licenciements, pour introduire une distorsion dans l’ancienneté : la notion de privilège accordé à la compétence professionnelle, au choix de la direction d’entreprise.
Pour le tract, l’article 25 contourne et nie les tribunaux prud’homaux par l’établissement d’un barème forfaitaire pour les indemnités de licenciement. Les signataires CFDT et Medef appellent ça « Faciliter la conciliation prud’homale ». Il s’agit de substituer aux tribunaux le présent accord. Une telle méthode permet de mettre au rencart toutes les juridictions, par simple accord – sauf évidemment, le tribunal de commerce, au service du seul patronat.
Pour le tract, l’article 26 raccourcit le délai de prescription du recours à une juridiction de façon considérable.
Gérard Filoche commente aussi l’accord rejoignant les observations de la CGT.
Le commentaire de Gérard Filoche contre cet accord signé par des syndicats représentatifs au niveau national
Gérard Filoche met en exergue 13 points adoptés auxquels il réagit pour lesquels j’apporte ci-après mon éclairage en couleur rouge.
- Gérard Filoche relève en 1°) les contrats « courts ». Ce n’est ni le chômage, ni les salaires, ni la durée du travail, ni le droit du licenciement, ni la médecine du travail, qui ont focalisé la négociation de Wagram. La taxe instituée ne concerne que les catégories de CDD ayant pour motif un « surcroît exceptionnel de travail », les plus courtes et les plus fréquentes. Elles ne concernent pas celles ayant trait au « remplacement de salariés absents » les plus longues. Ni les « contrats dits d’usage » qui sont sans limites et sans primes de précarité (sur ces derniers la sur cotisation ne passera que de 4 à 4,5 %). Je n’ai pas trouvé le sujet des contrats dits « courts » dans le texte de l’accord. L’expression « contrats courts » au pluriel est citée une fois à l’article 10 page 9 de l’exemplaire de l’ANI que j’ai en ma possession où le mot taxe n’est pas cité. Mais il y a peut-être une annexe dont je n’ai pas connaissance. Certes l’article 4 institue une majoration de la cotisation d’assurance chômage des contrats à durée déterminée mais ce n’est pas une « taxe ».
- Gérard Filoche relève en 2°) La « complémentaire santé pour tous » ? Le jackpot pour les assurances. Mirifique cadeau pour Axa, Médéric-Malakoff et autres grandes compagnies. Elles vont se disposer avec le patronat pour récolter ce que la Sécu ne récoltera pas. Il s’agit de l’article 1 et un peut de l’article 2 pour les demandeurs d’emploi. A titre personnel je trouve sa rédaction confuse pour un objectif louable mais je relève l’affirmation de règles de concurrence et transparence. Il faudra être vigilant dans la mise en oeuvre par le groupe de travail paritaire cité note 1 afin de prévenir les conflits d’intérêt et la corruption en général.
- Gérard Filoche relève en 3°) les temps partiels ? Chou blanc. Report de l’essentiel. Le lissage sur l’année, c’est le pire, car cela signifie des périodes hautes et basses qui ne tiennent compte que de l’intérêt de l’entreprise pas du salarié. Des modulations qui vont se terminer en pratique sans délai de prévenance : de quoi gâcher la vie personnelle de la majorité des femmes qui sont concernées ! Il s’agit de l’article 11 et aussi de l’article 19. Le mot lissage n’est pas cité dans l’exemplaire que j’ai en ma possession. Gérard Filoche pose une véritable question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
- Gérard Filoche relève en 4°) Un « droit de recharge » de l’assurance chômage ? Rien n’a été conclu. Peanuts. Le troisième article des accords prévoyait la création de « droits rechargeables » : un chômeur qui reprend un emploi ne perd pas ses droits, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage. En fait cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic. La mesure est juste et doit être mise en oeuvre sans délai.
- Gérard Filoche relève en 5°) Un compte individuel de formation prévu tout au long de la vie ? De grandes annonces dans les médias qui veulent bien se laisser abuser : genre « il y aurait un compte de formation « universel », « individuel » et « intégralement transférable » c’est-à-dire qu’il ne disparaît pas lorsque le salarié quitte une entreprise ». La vérité, à lire « dans les petites lignes » c’est que ce compte, utilisable aussi par des chômeurs, serait transférable, et alimenté… à raison de 20 heures par an dans la limite de 120 heures. La seule « nouveauté » serait une « mobilité volontaire sécurisée ». Il s’agit de l’article 5. Quand on voit la difficulté de mettre en oeuvre le DIF, on ne peut qu’être dubitatif. Il eût peut être mieux valu renforcer la mise en oeuvre du DIF conformément à la loi et aux accords de branche.
- Gérard Filoche relève en 6°) On entend claironner qu’il y a aurait présence de représentants de salariés dans les conseils d’administration ? Un à deux salariés ( ? sic) obtiendraient une voix délibérative dans les organes de décision des grands groupes (5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde). Oui. Dans 200 entreprises seulement ! Faites-leur confiance pour « bien » préparer les réunions où il y aura un représentant des salariés. Et surtout ce seront les employeurs qui décideront de ce qui devra rester ou non soumis à clause de confidentialité ! Je suis d’accord avec Gérard Filoche que c’est une farce. Aussi parce que les mauvais représentants des salariés, qui jouent le jeux des mauvais employeurs ne serait-ce que dans les Comité d’Entreprise ou CHSCT voire comme DP, cela existe et j’ai pu constater ces duplicités rédhibitoires qui méritent révocation des mandats et inéligibilité de ces représentants qui ne remplissent pas leur rôle dans l’intérêt de l’entreprise et son dirigeant. Un chef d’entreprise ne doit pas devoir subir la présence d’élus du personnel au comportement minable.
- Gérard Filoche relève en 7°) Accords dits de « maintien de l’emploi » ou de « compétitivité ». Ce sera à bas prix et à bas salaires : c’est une généralisation d’accords qui avaient été signé, et célèbre à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avait pas empêché de fermer après avoir essoré leurs salariés ! Il s’agit de l’article 18. Gérard Filoche ne signale pas que le texte précise que les représentants des salariés faire appel à un expert-comptable de leur choix financé par l’entreprise. Il pose cependant un vrai problème qui est la sincérité de l’employeur dans le partage de la valeur ajoutée.
- Gérard Filoche relève en 8°) Il a été concédé la création d’un « CDI intermittent » dans TROIS secteurs chocolaterie, formation et articles de sport ! La presse manipulatrice (ou ignorante) a annoncé que le Medef renonçait aux « contrats de projets ». Pas que la direction de la CFDT acceptait les « contrats intermittents ». L’accord prévoit : « Une expérimentation d’alternance entre périodes travaillées et chômées serait lancée dans trois secteurs pour les entreprises de mois de 50 salariés ». Il s’agit de l’article 22. Comme dit supra, tout dépend du partage de la valeur ajoutée. Un employeur qui augmente sa rémunération sous quelque forme que ce soit quand il mets les salariés dans la précarité sous prétexte de « difficultés » n’a aucun crédit.
- Gérard Filoche relève en 9°) Une entreprise qui supprime des postes mais « reclasse » les salariés en signant un accord majoritaire » sera dispensée de « plan social ». En cas de refus d’un poste le salarié pourra être licencié. Les entreprises auront ainsi la possibilité de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité ». D’une société d’un groupe à l’autre ? D’un pays à l’autre ? On ne mesure pas encore l’ampleur de cet énorme recul. Mais une quantité exceptionnelle de situations de menace de « mobilité » forcée, de changement de contrat de travail, vont s’engouffrer là dedans.
Il s’agit de l’article 20. La encore les observations de Gérard Filoche sont pertinentes au vu de la pratique de nombreux employeurs et de la duplicité de représentants du personnel. La loyauté des démarches de reclassement est au coeur de la légitimité de la mesure. - Gérard Filoche relève en 10°) Les plans sociaux pourront donc faire l’objet d’accords dérogatoires à la loi d’ordre public social s’il y a accord majoritaire… avec les syndicats de l’entreprise. On ne contrôle pas les licenciements boursiers, on les permet s’il y a accord… syndical ! Ca fait logiquement suite aux « accords de compétitivité ». Tout repose sur la qualité et l’indépendance des représentants du personnel et des syndicats et il y a un sérieux problème, de formation sans doute mais aussi de duplicité avec les mauvais employeurs dans certaines entreprises : il s’ensuit que l’intérêt de l’entreprise et ses salariés à long terme ne sera pas défendu. Pour illustrer concrètement ce risque, je voudrais évoquer le comportement, qui ne préjuge pas de tous les syndiqués, d’un encarté à la CFDT dans le cadre d’une restructuration sous la houlette d’une nouvelle direction : sans être exhaustif en ne retenant que ce qui est vérifiable par un écrit de tiers et ne relève pas d’un quelconque pouvoir de direction pour le comprendre, un représentant du personnel et délégué syndical a montré pour le moins une complaisance avec la nouvelle direction alors qu’il cumule tous les mandats avec les heures de délégation afférentes et bénéficie d’un support syndical pour remplir ses fonctions d’IRP (conseils et formations) contre un salarié protégé cadre non syndiqué membre du Comité d’Entreprise. En particulier il s’est fait accorder un nouvel écran plat en Comité d’Entreprise (question ne relevant pas du Comité d’Entreprise mais on pourrait voir là une « contrepartie » de corruption, rien ne justifiant objectivement le changement d’écran) ayant court-circuité sa hiérarchie traitant directement avec le nouveau directeur en Comité d’Entreprise le jour de présentation par ce dernier de son épouse recrutée sur les fonction du membre du Comité d’Entreprise dont la direction voulait se débarrasser sans reclassement, il s’est auto-désigné représentant du Comité d’Entreprise dans les groupes de travail dont le membre du Comité d’Entreprise cible de la direction était exclu, il a avalisé des décisions ou positions de la direction non conformes au droit du travail et au dossier de restructuration démontré douteux par le membre du Comité d’Entreprise cible de la direction, il n’a pas témoigné d’un AT dont a été victime le membre du Comité d’Entreprise cible de la direction bien que témoin oculaire, il n’a pas fait réunir le CHSCT après l’évènement sur le lieu de travail voire a été signataire d’une pétition pour le couple contre le membre du Comité d’Entreprise cible de la direction… A noter que la CFDT informée n’a pas donné suite. Elle aurait dû sans doute révoquer pour l’exemple ce membre, qui manifestement a failli. L’on peut expliquer dès lors des commentaires acerbes sur la position de la CFDT face aux employeurs mais les autres ont aussi leurs membres défaillants et il y a à la CFDT des membres qui remplissent correctement leur rôle.
- Gérard Filoche relève en 11°) les plans sociaux patronaux pourront être « sécurisés » CONTRE les juges par une « homologation administrative ». Si vous avez du mal à comprendre : en résumé, il ne s’agira pas d’un contrôle des licenciements mais d’un contrôle des dérogations aux licenciements. Il s’agit de « dé judiciariser » les plans sociaux. Le problème est surtout la décision implicite d’acceptation de l’administration au bout de 21 jours (« L’administration se prononce dans un délai de 21 jours sur le document et le projet de plan de sauvegarde de l’emploi. A défaut de réponse expresse dans ce délai, ils sont réputés homologués »), vu la médiocrité du fonctionnement de l’administration du travail dans l’Etat de droit et pas seulement en raison du sous effectif (Cf. rapport récent de l’IGAS page 37 paragraphe 2.6 : Rapport IGAS sur IT).
- Gérard Filoche relève en 12°) L’accord ne ménage pas les procédures qui peuvent faire plaisir à tous les patrons jusque dans les détails qui coûtent cher : les accords de Wagram, s’ils étaient, par malheur, entérinés prévoient la réduction des délais de contestation d’un plan social. Et détails des détails, le Medef a fait passer que « le fond doit l’emporter sur la procédure… » en matière de décision des juges sur les plans sociaux. Pour ceux qui croyaient que « la procédure est sœur jumelle de la liberté », c’est fini… Même les juges sont visés : après le fond, dérogatoire, rendus possible, ils ne sont muselés en droit formel du licenciement. Il s’agit de l’article 24 qui dispose que « Les signataires conviennent que la sécurité juridique des relations de travail peut être compromise si des irrégularités de forme sont assimilées à des irrégularités de fond. Dès lors, ils conviennent d’examiner, avec le concours des pouvoirs publics, les cas dans lesquels les irrégularités de forme risquent de primer sur le fond. Au vue de cette expertise les signataires se retrouveront pour se saisir des éventuels aménagements nécessaires dans le respect des principes généraux du droit et de la Constitution ». En droit administratif depuis longtemps existe la notion de « formalités non substantielles ».
- Gérard Filoche relève en 13°) « l’accord de Wagram » introduit une nouveauté : un plafonnement des dommages et intérêt aux prud’hommes selon l’ancienneté. Mme Parisot affirme que [les dommages et intérêts] « ça insécurise les employeurs ». Il s’agit de l’article 25. Le plafonnement n’est pas général et ne doit surtout pas l’être. Il porte sur la phase de conciliation selon l’adage « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». L’article précise que « A défaut de conciliation, l’affaire est portée devant le Bureau de Jugement, qui doit former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et justifier du montant des condamnations qu’il prononce en réparation du préjudice subi par le demandeur. » Rien l’interdit au juge de fixer des dommages intérêts « au réel » en réparation d’un préjudice direct, actuel et certain voire de fixer des dommages et intérêts « à l’américaine » s’il apparaît que l’employeur a été de mauvaise foi et déloyal selon l’adage Malitiis non est indulgentum. Par ailleurs une transaction non plafonnée reste toujours possible en vertu des articles 2044 et s. du Code Civil.
Au total, Gérard Filoche pose sans doute beaucoup de questions opiniâtres, du point de vue militant et praticien du droit du travail. Mais avec un préjugé sur les employeurs que l’on peut certes comprendre et il ne doit pas oublier qu’il y a aussi chez les socialistes employeurs des personnes pas correctes à l’égard des salariés…
En conclusion, la question de la loyauté réciproque, qui renvoie à l’Etat de droit dans l’entreprise, n’est pas abordée et c’est bien le problème de cette négociation de dupes ainsi que je l’ai écrit :
- Il est légitime que les entreprises demandent au législateur de la flexibilité pour embaucher ou licencier. Le droit du travail en France (et sa jurisprudence) est devenu un millefeuille avec des contraintes administratives coûteuses et sans doute nuisibles à l’emploi dans une mondialisation niée par une partie de la gauche. Mais le corollaire de cette flexibilité doit être une sanction impitoyable des déloyautés des employeurs qui ne sont pas corrects y compris par leurs pairs.
- Il est légitime que les entreprises demandent au législateur d’assouplir les règles de licenciement des salariés y compris des IRP, même si sous la houlette de la DGT ces dernières années des licenciements d’IRP ont été accordés au mépris du droit et des droits. La question est celle de la déchéance et l’inéligibilité à vie des salariés protégés qui dévoient leur mandat. Les employeurs ont besoin de représentants des salariés qui agissent dans l’intérêt de l’entreprise, non le leur (qui n’a pas vu des IRP fixer les heures de délégations le vendredi après midi sans assurer de permanence pour les salariés, ou faire preuve de duplicité en faisant cause commune avec une mauvaise direction) et qui fassent respecter le droit et respectent le droit, en particulier sur les questions de santé et sécurité au travail.
- Il est légitime que les salariés demandent au législateur de mettre des gardes fous pour que la flexibilité nécessaire accordée aux entreprises ne soit pas dévoyée et pour que leurs rémunération soit préservée. Et il faut sans doute faire une différence entre l’entrepreneur – propriétaire de l’entreprise – qui risque, et le directeur salarié par exemple d’une association finalement déresponsabilisé puisque ce n’est pas son argent mais celui de la collectivité qu’il risque notamment dans les procédures contentieuses en droit social résultant de ses fautes de management et gouvernance. L’entrepreneur, le vrai, doit avoir une liberté plus grande que le directeur dépositaire du pouvoir hiérarchique et disciplinaire, pour autant qu’il y ait vérité dans les relations avec les salariés sur la situation de l’entreprise et équité dans le partage de la valeur ajoutée.
- Il est légitime que les salariés demandent au législateur de garantir leur employabilité. Mais il faut être réaliste sur l’inégalité des salariés face au droit à la formation selon la taille de l’entreprise. Et il faut aussi résoudre la gabegie voire les détournements des fonds de la formation mise en exergue il y a un an par le rapport Perruchot, qui vient rappeler le problème posé par les partenaires sociaux pour le sérieux du débat.