Management relationnel dans l’entreprise
Dans le débat entre patronat et syndicat sur la réforme du code du travail, l’exigence de loyauté seule vraie question absente des discussions
Toute négociation est dès lors une négociation de dupes pour les employeurs comme pour les salariés dont les représentants éludent la seule question qui doit être posée d’où découlent toutes les mesures pour améliorer la compétitivité et réformer le marché du travail : l’exigence de loyauté.
Des partenaires sociaux manquant de crédit dans la négociation
Les syndicats à la fois défendent une vision qui n’est plus tenable dans le monde actuel concurrentiel nécessitant des capacités d’adaptation rapide des entreprises voire ne valent pas mieux que certains employeurs en soutenant leurs membres qui dévoient leur mandat : on rappellera le cas récent d’une élue de Comité d’Entreprise soutenue par son syndicat malgré des faits de harcèlement moral (Conseil d’Etat, 23 juillet 2010, n° 313685) :
(…) Considérant que, pour faire droit à l’appel de Mme A et de la fédération nationale des syndicats des services de santé et services sociaux CFDT, la cour administrative d’appel de Versailles a relevé que, si les pièces versées au dossier décrivaient le comportement de Mme A à l’égard de certaines assistantes maternelles comme revêtant un caractère de harcèlement moral, d’autres témoignages faisaient état de ses qualités professionnelles et de son souci permanent d’assurer dans les meilleures conditions la prise en charge éducative des enfants placés dans les familles d’accueil ; que, s’il appartenait à la cour d’examiner les agissements incriminés et d’apprécier s’ils étaient ou non constitutifs, par leur objet ou leurs effets, de harcèlement moral à l’égard de certaines assistantes maternelles, elle ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, déduire des seules qualités et compétences professionnelles de Mme A, attestées par des témoignages, mais dont l’objet était dépourvu de tout lien avec le grief de harcèlement moral, que la matérialité et la gravité des faits reprochés n’était pas établies ; que, par suite, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SOLIDARITE ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et l’ASSOCIATION LA NOUVELLE ETOILE DES ENFANTS DE FRANCE sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué (…)
Le cas n’est pas isolé : on peut ainsi au sein d’une association être délégué syndical, élue au CE, DP et membre, formé par son syndicat, du CHSCT, avec toutes les heures de délégation afférentes et participer activement , sous prétexte de qualité et restructuration, aux côtés d’une nouvelle direction qui fait des « cadeaux » à un délit d’entrave, du harcèlement moral et une tentative d’extorsion de signature pour faire rétracter la dénonciation du harcèlement moral jusqu’à provoquer un accident du travail reconnu que l’employeur avait refusé de déclarer, pour lequel on n’avait pas témoigné, bien que témoin oculaire, sans être sanctionné par son syndicat informé…
Les propositions des organisations patronales ne sont pas acceptables car dans le même temps elles ne désavouent jamais les employeurs qui ne sont pas corrects (entrave, harcèlement moral, discrimination, fraude, corruption…), avec parfois le soutien des services de l’Etat, à commencer par l’administration du travail, qui n’agissent pas voire dénient des comportements avérés, malgré l’alternance politique mais pas administrative. Tout patron condamné voire se comportant mal devrait être exclu de l’organisation patronale.
Dans le cas précité de l’association, le président de l’association est représentant de la loi dans la commune et le trésorier est conseiller prud’homal patronal ; les services de l’Etat (ministère, tutelle de l’association et administration du travail) informés des manquements des dirigeants de droit n’ont rien fait.
Voila la réalité des partenaires sociaux sur le terrain, avec un Etat qui manque à ses devoirs de régulateur devant faire primer le droit sur les rapports de force, à une période où la crise exacerbe les tensions et risques de dérapages.
Les enjeux de la loyauté mutuelle
Ces partenaires sociaux engagent bien mal une négociation cruciale pour l’avenir du pays parce qu’ils ne sont pas en mesure de poser en préalable la primauté de la loyauté mutuelle pour toute réflexion pour améliorer la compétitivité et réformer le marché du travail.
Sans prétendre à l’exhaustivité :
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Il est légitime que les entreprises demandent au législateur de la flexibilité pour embaucher ou licencier. Le droit du travail en France (et sa jurisprudence) est devenu un millefeuille avec des contraintes administratives couteuses et sans doute nuisibles à l’emploi. Mais le corollaire de cette flexibilité doit être une sanction impitoyable des déloyautés des employeurs : de ce point de vue la proposition patronale de plafonner les dommages et intérêts aux prud’hommes en cas de licenciement abusif n’est pas acceptable car elle ouvre la voie à toutes les dérives par des employeurs peu scrupuleux qui pourront budgéter le risque.
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Il est légitime que les entreprises demandent au législateur d’assouplir les règles de licenciement des IRP, même si sous la houlette de la DGT ces dernières années des licenciements ont été accordés au mépris du droit et des droits. La question est celle de la déchéance et l’inéligibilité à vie des salariés protégés qui dévoient leur mandat. Les employeurs ont besoin de représentants des salariés qui agissent dans l’intérêt de l’entreprise, non le leur (qui n’a pas vu des IRP fixer les heures de délégations le vendredi après midi sans assurer de permanence pour les salariés) et qui fassent respecter le droit et respectent le droit, en particulier sur les questions de santé et sécurité au travail.
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Il est légitime que les salariés demandent au législateur de mettre des gardes fous pour que la flexibilité nécessaire accordée aux entreprises ne soit pas dévoyée. Et il faut sans doute faire une différence entre l’entrepreneur – propriétaire de l’entreprise – qui risque, et le directeur salarié par exemple d’une association finalement déresponsabilisé puisque ce n’est pas son argent mais celui de la collectivité qu’il risque notamment dans les procédures contentieuses en droit social qu’entrainent ses fautes de management. L’entrepreneur, le vrai, doit avoir une liberté plus grande qu’un directeur dépositaire du pouvoir hiérarchique et disciplinaire, pour autant qu’il y ait vérité dans les relations avec les salariés sur la situation de l’entreprise.
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Il est légitime que les salariés demandent au législateur de garantir leur employabilité. Mais il faut être réaliste sur l’inégalité des salariés face au droit à la formation selon la taille de l’entreprise. Et il faut aussi résoudre la gabegie voire les détournements des fonds de la formation mise en exergue il y a un an par le rapport Perruchot, qui vient rappeler le problème posé par les partenaires sociaux pour le sérieux du débat.
La boucle est bouclée…