Liberté d’expression du salarié : les réseaux sociaux ne sont pas un défouloir
Un arrêt de la chambre sociale de Cour d’appel de Chambéry (RG: 15/01264, 25 février 2016) parmi d’autres en ce sens mérite commentaire à une période où les réseaux sociaux sont généralisés car elle apporte des précisions sur la liberté d’expression du salarié.
Un salarié a été embauché le 21 janvier 2010 par la SARL EFFICIENS en qualité de directeur web analytics ; par courrier du 5 juillet 2011, il a été mis à pied à titre conservatoire et il a été licencié pour faute grave le 25 juillet 2011 pour manquement au devoir de loyauté ainsi que pour insuffisance professionnelle et insubordination sous forme de sabordage de l’outil informatique. Si le conseil de Prud’hommes a débouté le salarié, le condamnant même à verser 300 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens comprenant les frais d’expertise ordonnée par le conseil, la Cour d’Appel n’a pas eu la même lecture sur le manquement au devoir de loyauté.
Savoir bien encadrer l’usage des réseaux sociaux à défaut de pouvoir les interdire
La Cour d’Appel a reconnu que le licenciement du salarié reposait sur un motif réel et sérieux et non sur une faute grave.
La société EFFICIENS ne produit aucune pièce qui permettrait de déterminer les standards attendus de monsieur X… pour le type de présentation destinée au client (…); elle ne justifie pas davantage des observations qu’elle aurait faites.
Il est important pour la loyauté des relations entre le salarié et l’employeur de formaliser dans des informations documentées (fiche de poste, fiche de fonction, procédures, instructions…) ce qui est attendu du salarié. De la même manière, tout manquement du salarié peut être relevé par écrit pour autant que les éléments reprochés soient factuels et objectifs, ce que permettent précisément de faire les informations documentées opposables.
La société EFFICIENS reproche à son salarié l’envoi de 1336 tweets non professionnels pendant le temps de travail, depuis l’embauche ; quand bien même ce grief serait avéré nonobstant l’absence d’horaire d’envoi des tweets il apparaît, à supposer dans une estimation particulièrement large que chaque envoi ait requis un temps de 1 minute, que l’envoi de l’ensemble des 1336 messages correspond en moyenne à moins de 4 minutes par jour au cours des semaines où monsieur X… travaillait 5 jours et moins de 5 minutes par jour si l’on retient les semaines de 4 jours à compter de janvier 2011, et ce en tenant compte des congés du salarié ; l’envoi également reproché de 90 tweets en 2 mois, correspond à l’envoi de moins de 3 tweets par jours travaillés (4 jours par semaine) soit moins de trois minutes. Compte tenu du fait que le salarié n’était soumis à aucun horaire ainsi que le prévoit expressément son contrat de travail, le fait d’avoir le cas échéant, pu consacrer un temps aussi limité à l’envoi de tweets non professionnels, y-compris à des horaires communément retenus comme travaillés ce qui n’est pas démontré, alors que le salarié était au demeurant du fait de ses fonctions, connecté à internet de manière quasi continue.
La Cour d’Appel a relativisé par une étude statistique le nombre de tweets adressés par un salarié ayant de surcroît des fonctions de directeur web analytics l’amenant à utiliser internet et finalement aucun horaire de travail n’a été opposable.
On insistera jamais assez sur l’importance pour l’entreprise d’avoir une charte informatique eu égard à l’importance prise par les réseaux sociaux.
La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) en France est à l’origine de publications très utiles en manière de management, qui peuvent être transposées aux autres pays.
Elle a publié en 2010 un GUIDE POUR LES EMPLOYEURS ET LES SALARIÉS. Plus récemment, elle a publié deux articles : d’une part, le 20 novembre 2015 « Les outils informatiques au travail » et d’autre part le 1er décembre 2015 « Le contrôle de l’utilisation d’internet et de la messagerie électronique« .
L’article du 20 novembre 2015 précise que :
« L’employeur peut contrôler et limiter l’utilisation d’internet (dispositifs de filtrage de sites, détection de virus…) et de la messagerie (outils de mesure de la fréquence des envois et/ou de la taille des messages, filtres « anti-spam »…) Ce contrôle a pour objectif :
– D’assurer la sécurité des réseaux qui pourraient subir des attaques (virus, cheval de troie…)
– De limiter les risques d’abus d’une utilisation trop personnelle d’internet ou de la messagerie (consultation de sa messagerie personnelle, achats de produits, de voyages, discussions sur les réseaux sociaux…)« .
DLA Piper, société de services dans le domaine du droit, a mené une enquête sur l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre du travail : Knowing your tweet from your trend: keeping pace with social media in the workplace. Cette étude apporte des éléments de réflexion.