Les manquements à l’obligation de loyauté et au code du travail en entreprise ne sont pas une faute déontologique du conseiller prud’homal pour le ministère !
Les Conseils de Prud’hommes (ainsi que les tribunaux de commerce) ont été jugés très sévèrement par le GRECO, comme l’a rappelé l’étude d’impact du projet de loi Macron (Tome 3 de l’étude d’impact datée du 10 décembre 2014, page 30).
Le GRECO avait écrit :
79. (…) L’EEG (équipe d’évaluation du GRECO) a recueilli des témoignages selon lesquels le mode de fonctionnement de cette juridiction soulevait des questions importantes, notamment sous l’angle des conflits d’intérêts et de l’impartialité (…).
80. (…)Le GRECO recommande qu’une réforme soit conduite au niveau des tribunaux de commerce et des conseils des prudhommes afin de renforcer l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité des juges non professionnels (…)
Le projet de loi Macron ignore complètement la situation d’un conseiller prud’homal ne respectant pas le droit du travail et/ou de la sécurité sociale dans ses fonctions hors de la juridiction : « Tout manquement à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions par un conseiller prud’homal est susceptible de constituer une faute disciplinaire. » (nouvelle rédaction de l’art. L. 1442-13 du Code du Travail). La jurisprudence reconnait que les faits qui peuvent motiver l’une des peines applicables aux conseillers de prud’hommes ne sont pas seulement ceux qui auraient été commis dans l’exercice même de fonctions juridictionnelles ou d’administration du conseil de prud’hommes, mais aussi ceux qui, commis en dehors de ce cadre, révèlent un comportement incompatible avec les qualités attendues d’une personne investie de la fonction de juger et qui sont susceptibles de jeter le discrédit sur la juridiction à laquelle elle appartient : il en est ainsi d’une complicité de discrimination syndicale comportement incompatible avec les qualités attendues d’une personne investie de la fonction de juger, en particulier ses obligations de neutralité et d’impartialité, et qui sont susceptibles de jeter le discrédit sur la juridiction à laquelle il appartient. Le juge exerce un contrôle normal sur la gravité de la sanction. (CE, 20 mai 2011, N°332451).
En l’état actuel du droit et par manque de volonté politique, le Ministère de la Justice ne sanctionne pas les actions et omissions claires incompatibles avec les qualités attendues d’une personne investie de la fonction de juger d’un conseiller employeur, trésorier d’un Conseil d’Administration, qui par exemple:
- Entérine une entrave sur un poste de salarié protégé dont le Conseil d’Administration a entériné la suppression sans vouloir de reclassement au mépris de la loi et la jurisprudence,
- Entérine le non-respect du droit du travail et du droit de la sécurité sociale notamment après un AT provoqué, non déclaré sur la personne d’un salarié protégé au mépris de la loi et la jurisprudence,
- Entérine le rapport de force sur la loi en cautionnant par sa présence en connaissance de cause, d’une part le refus d’une transaction sérieuse suite à la requête en résiliation judiciaire du contrat de travail (Harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité de résultat, entrave aux fonctions d’un salarié protégé, manquement à l’obligation de fournir une activité) introduite par le salarié devant le Conseil de Prud’hommes dont il est membre et d’autre part l’absence de suite à la sollicitation par la CPAM pour une conciliation suite à demande de reconnaissance de faute inexcusable par le salarié.
Il est vrai qu’un rapport récent de l’USM a montré combien les pratiques de harcèlement moral qui ne choquent personne sont banalisées dans les juridictions …
Pour le Conseiller prud’homal, la faute disciplinaire doit être élargi par la loi à tout manquement spécialement en matière de droit du travail et/ou de la sécurité sociale, que le conseiller soit dirigeant même de droit dans le bureau d’un Conseil d’Administration associatif (comme trésorier ou président), ou salarié qui se conduit mal avec son employeur.
De tels conseillers salariés ou employeurs ne peuvent pas dire le droit au nom du peuple français : des actions et omissions contraires au droit du travail et/ou de la sécurité sociale sont rédhibitoires. Il en va tout simplement du crédit de la juridiction.
La suppression des élections aux Conseils de Prud’hommes n’est pas en soi une mauvaise chose car beaucoup d’élus côté employeur comme côté salarié :
- Ont, comme l’a relevé le GRECO, un esprit partisan au moins involontaire (a priori favorable pour le justiciable de leur « classe », pour parler gauchiste), et/ou
- Se conduisent mal dans leurs fonctions professionnelles : combien d’employeurs conseillers prud’homaux déloyaux (au sens large) dans leur relation avec les salariés (harcèlements, entrave, manquement à l’obligation de sécurité de résultat…) sont sortis effectivement de leur fonction de juge ? Et vice versa combien de salariés conseillers prud’homaux déloyaux (au sens large) dans leur relation avec leur employeur (violences sur l’employeur ou les biens de l’entreprise, injure…) sont sortis effectivement de leur fonction de juge ?
La réforme ne résout rien de cela : car les désignés par la cuisine syndicale ou patronale n’auront aucune garantie de compétence et/ou « d’état d’esprit » de juge.
Plutôt que des élections ou une désignation, il faudrait réfléchir à des modalités qui permettent d’avoir des juges dignes de ce nom et des moyens pour la justice en général. Les organisations syndicales et patronales n’ont aucune légitimité dans ce débat car elles ont une propension à couvrir ceux qui se comportent mal.
Une piste républicaine serait de :
- Conserver les structures existantes : employeurs et salariés et sections (industrie, commerce, activités diverses, agriculture, encadrement) ;
- Permettre à tout salarié et tout employeur de faire acte de candidature auprès du TGI pour constituer un vivier de juges ;
- Organiser en liaison avec les barreaux et les facultés de droit une formation pour les membres de ce vivier avec validation ;
- Tirer au sort dans ce vivier pour chaque section les juges employeurs et salariés pour une durée de deux ou trois ans.
Les dirigeants responsables ne peuvent que constater le discrédit du pouvoir hiérarchique et disciplinaire qu’entraînent les impairs de tels pairs qui ne sont pas à leur place et qu’il convient de remettre à leur place.
Comme il convient de remettre à leur place jusqu’au licenciement les salariés conseillers, et au delà les IRP, qui ne respectent pas le pouvoir de direction de l’employeur et plus généralement font preuve de déloyauté à l’égard de leur hiérarchie.