Protection des IRP : un chausse-trappe pour l’employeur
Dans une bonne gouvernance, les salariés protégés doivent être des partenaires utiles à l’employeur. Ils veillent au respect du droit du travail et le cas échéant de la sécurité sociale pour éviter à la direction de se trouver en situation litigieuse voire délictuelle, la direction étant elle-même contrôlée par le Conseil d’Administration. Une protection des IRP sécurise leur action.
Les possibilités de se séparer d’un salarié protégé existent, mais cela demande à l’employeur de la loyauté et un respect strict du droit qui réserve des pièges pour ne pas faire de licenciement irrégulier car la protection des IRP demande de la vigilance dans les motifs de licenciement.
Les motifs légitimes de licenciement pour faute des salariés protégés existent. Sans prétendre à l’exhaustivité, la jurisprudence a retenu par exemple :
- le fait d’avoir eu des agissements de harcèlement moral, et ce quand bien même le salarié protégé serait compétent (Conseil d’Etat, 23 juillet 2010, N° 313685)
- le fait d’avoir commis des violences (Conseil d’Etat, 12 février 1982, N° 27346 et N°27347)
- le fait d’avoir tenu des propos gravement injurieux publics contre l’employeur (Conseil d’Etat, 1er juin 1979, N° 09231)
- les fautes commises personnellement par le salarié protégé à l’occasion d’un conflit collectif mais la participation de l’intéressé doit avoir été active (Conseil d’Etat, 27 juin 1979, N°05646 et N° 05669) : séquestration accompagnée de violence (Conseil d’Etat, 27 juin 1979, N° 13069), piquets de grève totalement hermétiques (Conseil d’Etat, 8 février 1980, N° 09747 ou Conseil d’Etat, 29 avril 1983, N° 11494) ou arrêt d’une machine (Conseil d’Etat, 1er avril 1992, N° 112826)
- l’inaptitude : il semblerait logique dans ce cas que l’administration recherche si l’inaptitude a pour origine la déloyauté de l’employeur : en cas de harcèlement ou discrimination, le licenciement est légalement nul. En vertu de la séparation des pouvoirs, seule l’administration ou le juge administratif peuvent constater la nullité du licenciement, même si le salarié peut demander au juge judiciaire réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement.
Le Conseil d’Etat a également retenu que la « perte de confiance pouvait constituer un motif de licenciement (Conseil d’Etat, 1er avril 1992, N° 118580). Ce qui importe pour le juge administratif, c’est la position hiérarchique et non la fonction occupée si bien que la perte de confiance comme motif de licenciement d’un représentant du personnel ne peut être invoquée que pour les cadres de direction. Ensuite cette perte de confiance doit se fonder sur des faits avérés (Conseil d’Etat, 29 juillet 1994, N° 121212).
Pour ce qui est de l’insuffisance professionnelle, si aucune disposition législative ou réglementaire ne pose l’obligation de rechercher un poste de reclassement pour un salarié dont l’insuffisance professionnelle a été constatée, il est rappelé par la jurisprudence (Cf. Conseil d’Etat, 27 sept. 1989, N° 91613) la nécessité d’une recherche de reclassement lorsque le licenciement d’un salarié détenteur d’un mandat de représentation du personnel est demandé sur le fondement de l’insuffisance professionnelle : l’inspecteur du travail et, le cas échéant, le ministre seront tenus de refuser l’autorisation sollicitée en l’absence de recherche de reclassement de la part de l’employeur (Rép. min. n° 21227, JO AN Q 31 mars 2009, Zimmermann).
Enfin, pour ce qui est du licenciement pour raison économique, l’administration s’assure que l’entreprise rencontre effectivement les difficultés dont elle se prévaut pour licencier le salarié protégé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d’effectifs et de la possibilité d’assurer le reclassement du salarié dans l’entreprise (Conseil d’Etat, 18 février 1977, N° 95354). L’administration va vérifier que ces recherches ont été sincères : le principe est que l’emploi de reclassement doit être équivalent à celui qui était occupé antérieurement (Conseil d’Etat, 3 octobre 1994, N°109075).
La « protection licenciement » n’est que relative : si la direction veut se séparer d’un salarié protégé, elle doit faire preuve de compétence et d’intégrité réelle dans la gestion du dossier et doit respecter une procédure encadrée sous la houlette de l’inspection du travail et du ministère en cas de recours hiérarchique.
Le Conseil d’Administration et notamment son président doivent contrôler la conformité au droit de l’action de la direction, sous peine d’engager sa responsabilité personnelle s’il soutient un comportement délictuel (faute détachable) : harcèlement moral, discrimination, délit d’entrave…