Jugements prud’hommes : le constat de la nécessité de changer de juges
Alors que le pays a connu une crise sans précédent avec les « gilets jaunes » mettant en cause non sans raisons les syndicats (Cf. infra) et les partis politiques y compris celui du Président de la République, il faut poser la question de l’imposture de la réforme du code du travail et notamment du Conseil de Prud’hommes, juridiction fortement critiquée par le GRECO qui a été dupé par des réformes qu’il a salué mais qui en réalité ne lèvent pas les doutes sur les jugements prud’hommes.
Lors de la présentation de l’introduction du barème sous prétexte de compétitivité et prévisibilité, la ministre a souligné des exceptions à ce barème.
La pratique dans un dossier dont j’ai eu à connaître vient démentir à la fois les propos de la ministre et ce qui a été « vendu » au GRECO pour lever ses critiques et appelle des sanctions :
La déontologie des juges dans leur ensemble, et des conseillers prud’hommes en particulier, apparaît comme la contrepartie nécessaire et légitime de ce pouvoir hors du commun qui leur est confié, le pouvoir de juger. La société démocratique ne s’y trompe pas. Elle attend de son juge un effort permanent de comportement, une légitimité professionnelle qui obéisse à de hauts standards éthiques.
Verbatim d’un jugement par de nouveaux conseillers section encadrement à Forbach et commentaires
« Il n’existe aucun élément permettant d’évoquer des menaces, la direction qualifiant simplement des propos diffamatoires et inacceptables
(…) Il n’y a ni répétition de sanctions, ni acharnement, ni insultes quotidiennes. Le harcèlement moral n’est aucunement établi. »
Or
Pas un seul agissement invoqué et prouvé par écrit de tiers versés en pièces n’est cité et discuté dans le jugement, ce qu’aurait dû faire le juge du fond, qui n’a même pas demandé à l’employeur de justifier de l’objectivité (méthode pourtant posée par l’article L. 1154-1 du Code du travail qui n’a pas été respecté et la Cour de Cassation le 8 juin 2016 dans la décision N° 14-13418 en rendant au juge du fond la main) A aucun moment ladite direction n’a porté plainte, et pour cause. A aucun moment ladite direction n’a engagé de procédure disciplinaire pour les propos, et pour cause.
Le Conseil par la répétition de « aucun-ement » dénie l’existence même des nombreuses pièces versées.
Il appert que le représentant légal était présent et a été filmé aux audiences de rentrées de la juridiction en 2016 et 2017 et 2018. En revanche il n’était pas présent ou représenté par un subordonné aux audiences de plaidoiries.
Un juge salarié a été marié par lui. Quant à l’autre juge salarié, il faisait partie du conseil sortant où un collègue employeur qui avait refusé de se déporter en niant le lien à été récusé malgré une irrégularité de fond introduite dans le dossier transmis en appel. Enfin un des juges employeur faisait partie du conseil sortant dans la même section que le trésorier de l’employeur qui était ancien supérieur en entreprise du conseiller récusé de force …
« Il est à noter que la plainte déposée pour harcèlement n’a donné lieu à aucune poursuite et a été classée sans suite. »
Or
« Le classement sans suite n’a pas l’autorité de la chose jugée (Cass. soc., 20 nov. 2001, n° 99- 45.756, X. c./ Sté Les services associés)
La plainte est intervenue alors que l’inspection du travail n’a pas donné suite au dossier circonstancié qui lui a été adressé (non respect de l’arrêt Gaillard Bans, Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 3 octobre 1997, 161520, publié au recueil…), la direction de l’établissement comportant un maire, un conseiller prud’homal employeur, un Vice président de l’ex conseil général, un directeur honoraire de la caisse régionale d’assurance vieillesse d’Alsace-Moselle (CRAV)…
La tutelle administrative non plus n’a pas donné suite. Elle accordera même une somme de 300000 EUR avec condition temporelle non respectée pour une acquisition immobilière dans un arrêté pour les soins qui n’a pu être retrouvé au recueil des Actes Administratifs.
(…) les institutions représentatives du personnel sollicitées ne sont pas intervenues et ont entériné les décisions de la direction.
Or
Il n’existe aucun texte et aucun principe juridique donnant une portée juridique à la position/l’attitude des institutions représentatives du personnel. Des membres des institutions représentatives du personnel qui n’ont fait aucune diligence vers l’inspection du travail après une agression reconnue par la CAA de Nancy ont été promues ainsi que le montrent l’organigramme et un article de la presse locale !!!
« (…) prétendus faits de harcèlement, ont déjà été examinés et ré-examinés par les autorités administratives, sans qu’à aucun moment gain de cause soit obtenu »
Or
Un cadre clair a été fixé par la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat en des termes identiques à 7 jours d’intervalle pour dire que l’administration sous le contrôle du juge ne contrôle pas les causes de l’inaptitude (CE 20 novembre 2013, N° 340591 et Cass. soc., 27 novembre 2013, N°12-20301) auquel il faut ajouter plus récemment Cass. Soc. 29 juin 2017, 15-15775 sur l’obligation de sécurité de moyens renforcés. Cette jurisprudence est bien établie comme le montre un arrêt récent de la Cour de cassation publié au bulletin (Cass. soc., 17 octobre 2018, 17-17985).
La règle de compétence a été clairement rappelée au considérant 11 par le Tribunal Administratif de Strasbourg dont le jugement a été produit, le sujet du harcèlement n’étant pas traité par la CAA de Nancy dont l’arrêt a également été produit.
Le Conseil a fait un copier/coller des conclusions de l’avocat adverse utilisant même ses propres mots (« prétendu » au lieu d’un terme plus neutre comme par exemple « relaté »).
« Au titre de la demande reconventionnelle, il apparaît au conseil que tout le long des différentes procédures intentées par le salarié l’employeur a dû faire face à des frais engendrés par une accumulation des procédures du demandeur. »
Or le Conseil n’a pas à prendre en considération les procédures éventuelles devant les autres juridictions nécessaires à raison de leurs attributions respectives.
Ce retour d’expérience percute la légitimité et la crédibilité des réformes nécessaires du code du travail notamment sur la justice prud’homale épinglée par le GRECO et me fait honte pour notre justice et pour les employeurs.
Quelles actions attendues du Président de la République saisi à raison de son rôle de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et au delà de sa crédibilité ?
Il a été bien évidemment interjeté appel du jugement (Cons. prud’h. Forbach, 11 septembre 2018, N°18/00025) lapidaire et laconique, le Parquet étant par ailleurs saisi d’une plainte contre X pour faux en écriture publique (faux intellectuel) voire déni de justice au vu de deux fautes claires au plan juridique, points élémentaires acquis qui ne peuvent être ignorés par des juges : la méthode de l’article L. 1154-1 du Code du travail confirmée par la Cour de Cassation et la compétence du juge judiciaire par rapport au juge administratif dans une procédure d’inaptitude confirmée par les juges suprêmes des deux ordres de juridiction.
Le dossier a été porté à la Présidence de la République déjà saisie il y a un an sur un contexte qui a conduit au jugement relaté, mais n’a rien fait prétextant une séparation des pouvoir qui ne tient pas : d’abord parce que la dépendance des parquets est constitutionnelle comme l’a dit la Décision n° 2017-680 QPC du 8 décembre 2017 ; ensuite parce que le Président de la République l’a confirmée lors de son discours devant la Cour de Cassation le 15 janvier 2018 ; enfin, parce que son intervention naguère pour la succession au poste de Procureur de Paris démontre que la Présidence n’est pas indifférente aux nominations chez les parquetiers… Surtout il n’était pas demandé une instruction particulière mais des instructions générales et une mesure disciplinaire motivée.
Trois demandes principales ont été formulées.
- Révoquer pour l’exemple les quatre conseillers impliqués dans ce qui ne résulte pas de l’aléa judiciaire (la loi et les jurisprudences ne peuvent pas être ignorées et il y a eu sciemment déni des pièces relevant du faux en écriture publique, faux intellectuel !!!!!) et au-delà que la farce du procès au conseil de prud’hommes s’arrête par exemple en recrutant par concours les salariés et employeurs amenés à juger les dossiers ou en désignant de vrais magistrats décisionnaires assistés par deux personnes issues de l’entreprise en experts (un salarié, un employeur) désignées par tirage au sort ou recrutés sur concours. Le Conseil de Prud’hommes ne doit plus rester aux mains d’organisations syndicales défaillantes.
- Révoquer les fonctionnaires qui se sont faits et se font par leur inertie pour le moins les relais d’intérêts privés aux mépris des principes de service public, de la loi et de la jurisprudence : ils ne sauraient se prévaloir de l’intérêt général et de la protection de leur statut voire de soi-disant « ordres » reçus. Certes rompant avec la jurisprudence du Conseil d’Etat, la loi N°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires est venue instaurer un délai de prescription de l’action disciplinaire. L’article 36 de la loi du 20 avril 2016 ajoute ainsi un nouvel alinéa à l’article 19 de la loi n°83-635 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aux termes duquel : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction ». Le critère de la connaissance effective donne en pratique une marge de manoeuvre dès lors que les comportements répréhensibles ne sont pas explicites voire sont dissimulés (comme un acte non publié).
Il y a sans doute là matière à économies au sein des cadres défaillants de l’administration pour baisser les impôts. - Inscrire dans la loi la déchéance du mandat et l’inéligibilité des institutions représentatives du personnel qui manquent aux devoirs de leur mandat, que ce soit vis à vis des employeurs ou vis-à-vis des salariés. Cela vaut pour les salariés protégés qui agressent physiquement l’employeur comme pour ceux qui ne font pas les diligences en matière de santé et sécurité.
Pour conclure, les « Ordonnances Macron » ont créé une confusion comme le montre la contradiction de décisions sur le barème entre le Conseil de Prud’hommes du Mans, qui a appliqué le barème (Cons. prud’h. Le Mans, 26 sept. 2018, n° 17/00538), et le Conseil de Prud’hommes de Troyes, qui a fait primer le droit international sur le droit interne à quelques semaines d’intervalle (Cons. prud’h. Troyes, 13 déc. 2018, n° 18/00036).
On voulait sécuriser les parties ? C’est raté.
Dans ce contexte, on ne saurait trop conseiller au ministère qui a critiqué la décision de la juridiction de Troyes, au motif que cette décision poserait la question de « la formation juridique des conseillers Prud’homaux » (Cf. « Le plafonnement des indemnités prud’homales jugé contraire au droit international« ), de regarder ce qui s’est passé à Forbach qui ne relève certainement pas de l’exercice d’un pouvoir juridictionnel normal !!!
Justice is not seen to be done.