Bonne gestion : est-elle possible dans les établissement de santé ?
On peut déplorer le serment d’hypocrite des directeurs d’établissements sanitaires et sociaux et des tutelles responsables des déficits.
Alors que l’IGAS a rendu un rapport négatif sur les restructurations hospitalières, force est de constater que les carences des ARS peuvent être à l’origine des déficits des établissements aussi bien dans le secteur public que le secteur privé, faute de réaction à temps.
Le secteur privé
Un conflit social en Moselle éclaire sur la gabegie en période de crise et de restrictions budgétaires dans les établissements sanitaires et sociaux ou les hôpitaux faute d’intervention pertinente (i.e. à temps) de la tutelle (Cf. articles de la presse locale). Au premier semestre 2010, la CGT avait rédigé plusieurs courriers pour dénoncer les conditions de travail et les pressions subies, depuis deux ans, par une partie du personnel de l’Association Lorraine pour la Promotion d’Handicapés Adultes sise à Plappeville. Les lettres, transmises au conseil général, à l’Agence régionale de santé, aux maires de Metz et de Plappeville et au préfet, avaient été jugées « irrespectueuses » et considérées comme des « attaques personnelles » par la direction, qui avait décidé d’ester en justice pour diffamation. Les syndicalistes ont été relaxés, la mise à plat devant la justice ayant fait apparaitre un problème de management. Parallèlement la direction a été condamnée pour entraves au Comité d’entreprise (CE) et au Comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT), plusieurs dossiers sont pendants devant le Conseil de Prud’hommes alors qu’une procédure de licenciement vient d’être engagée contre la déléguée CGT.
Alors que le Conseil d’Administration ne semble pas avoir diligenté les enquêtes et investigations qui lui auraient permis d’avoir la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l‘ampleur des faits reprochés, ce qui a été considéré comme une abstention fautive (Cf. Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-70902 FS-PB), on ne peut être qu’atterré par un tel gâchis humain et financier résultant de l’inertie sous prétexte que la tutelle ne serait pas concernée par ce qui se passe dans les établissements privés.
Certes la tutelle est intervenue en Lorraine dans le cas d’Hospitalor ou plus récemment Alpha Santé mais sans doute trop tardivement en nommant des administrateurs pour accompagner une restructuration nécessaire, en particulier à Hospitalor où la presse s’était fait l’écho de plusieurs procédures contre la direction pour la harcèlement moral (par exemple Républicain Lorrain du 28 février 2007).
Mais il est aussi des cas dans le secteur public où elle ne semble pas avoir réagi à temps.
Le secteur public
Il s’avère que la gestion d’un directeur ayant fait valoir ses droits à la retraite en 2009 a été appréciée particulièrement sévèrement par la Chambre Régionale des Comptes (CRC), qui a mis en exergue un déficit de l’ordre 5 millions d’euro en faisant les recommandations suivantes non exhaustives (Cf. LOR201036 – Gestion BS reco) :
- Respecter le principe du rattachement des charges comme des produits à l’exercice,
- Mettre en œuvre les techniques réglementées des provisions,
- Maîtriser davantage l’absentéisme des personnels,
- Procéder au recrutement des agents, dans le respect de la réglementation,
- …
Le non rattachement des charges comme des produits à l’exercice et l’absence de mise en œuvre les techniques réglementées des provisions altèrent directement l’image fidèle d’une situation financière et ne traduisent pas une bonne gestion.
Quant à l’absentéisme et au non respect de la réglementation pour le recrutement, cela met en cause directement la gestion des ressources humaines au sein de l’établissement.
Le rapport de la CRC sur le CHS Sarreguemines a été traité dans les media à la sortie du rapport : sur le site de la communauté infirmière, sur Lor Actu, dans le Républicain Lorrain.
Le constat du rapport de la CRC sur les hôpitaux de Sarreguemines est toujours d’actualité comme le montre un trac syndical à lire avec les réserves inhérentes à ce type de sources et alors que la tutelle voulait faire absorber d’autres établissements par Sarreguemines, comme la relevé la presse locale.
On ne peut que craindre pour le sérieux de la gouvernance actuelle des établissements sanitaires et sociaux et voir leur certification par la Haute Autorité de Santé comme une procédure insatisfaisante.
Ainsi, le Centre hospitalier régional universitaire de Montpellier avait-il été certifié, malgré des agissements de harcèlement moral et des erreurs de gestion avérés, ayant entrainé la destitution de son directeur par Mme Podeur, directrice générale de l’offre de soins, il y a un peu plus d’un an et alors que la Cour de Cassation comme le Conseil d’Etat ont confirmés ses erreurs de gestion.
C’est ce directeur qui écrivait après la certification de l’établissement prononcée en septembre 2008 : « Cette reconnaissance témoigne du dynamisme et de la mobilisation quotidienne de notre établissement en matière d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. » (24 octobre 2008).
La certification (mais également l’évaluation pour le médico-social) apparait comme une farce en l’état actuel, farce qui prêterait à dire si il n’y avait pas des drames humains pour les salariés victimes de jeux politiques , mais aussi pour les patients ou résidents car il y a sans nul doute des passerelles entre harcèlement moral et maltraitance.
Elle est en réalité un outil de communication pour les mauvaises directions que ceux qui ont leur pouvoir d’agir (Conseils d’Administration et tutelle non soumis au pouvoir de direction) ne contrôlent pas, et elle ne préjuge en rien de la qualité du management et de la gouvernance à une période de déficits publics et sociaux.
En période de crise, faute de financement, hôpitaux et établissement sociaux doivent être dirigés par des personnes qui ont le souci d’une bonne gestion y compris en faisant primer le droit sur les rapports de force pour ne pas hypothéquer les budgets de fonctionnements par des procès avec salariés comme patients ou résidents.