La RSE, c’est évidemment l’engagement moral et éthique qu’une entreprise prend à l’égard des membres de son organisation et de la société en général. C’est aussi une réflexion sur le rôle que l’entreprise entend jouer dans l’univers dans lequel elle évolue, sa raison d’être. C’est donc aussi une notion éminemment marketing.
La responsabilité sociétale des entreprises est donc essentiellement une affaire de relation avec des personnes-acteurs clés, ceux qu’en anglais on appelle les stakeholders. C’est du coup un terrain de choix pour des techniques de storytelling : autrement dit le renoncement à une communication basée quasi exclusivement sur les faits, l’argumentation, pour utiliser une communication plus relationnelle et plus émotionnelle, sous forme d’histoires, de récits racontés.
Les histoires sont bien des récits qui nous racontent qui nous sommes, d’où nous venons, et comment nous interagissons avec les autres. Elle révèlent le drame qui se joue dans notre combat personnel ou entrepreneurial pour trouver une voie morale. Par exemple, le changement climatique mondial fournit un contexte dans lequel les entreprises peuvent avoir toutes sortes de rôles. Certaines d’entre elles peuvent se retrouver en train de jouer un rôle tragique d’adversaire contribuant aux gaz à effet de serre, alors que d’autres peuvent avoir un rôle héroïque de protagoniste, investissant dans des technologies “propres”. Les meilleures histoires sont plus riches que cet exemple volontairement noir et blanc, mais nous ne devons pas sous-estimer le fait que les histoires apportent des opportunités exceptionnelles de communication liée à la responsabilité sociétale.
Trop d’entreprises limitent pourtant toujours la communication sur leur responsabilité entrepreneuriale aux rapports annuels et aux newsletters envoyées par email. La valeur que les cibles clés de l’entreprise peuvent escompter d’une activité de responsabilité sociétale ne peut pas non plus être complètement captée par des tableaux, des graphiques et des classements. Elle ne peut pas non plus être évaluée en additionnant les sommes dépensées pour des bonnes causes.
Mais les histoires, elles, constituent une plate-forme idéale à partir de laquelle les acteurs de l’entreprise peuvent interpréter l’activité de responsabilité sociétale de manière significative.
Un exemple : Procter & Gamble
Procter & Gamble (P&G) donne des millions de dollars chaque année à des organisations du monde entier. Le rapport sur la responsabilité sociétale de l’entreprise est impressionnant ; il décrit tous les programmes en cours. P&G a récemment ajouté des histoires en vidéo à sa page web sur la responsabilité sociétale, racontant comment l’entreprise impacte les bénéficiaires de son aide, individuellement.
Ces récits touchants incluent celui d’un jeune chinois dont la vie a changé quand P&G a bâti un école dans sa région très rurale. “Je m’appelle Xie Hu, j’ai 19 ans,” nous raconte le narrateur. Il poursuit :
“En 1997, P&G a créé l’école de l’espoir P&G. En 1998, j’ai fini l’année avec d’excellentes notes et j’ai obtenu une place dans la meilleure école secondaire du pays. Après six autres années d’études, mon rêve d’entrer à l’université est devenu réalité. Les enfants issus des villages viennent principalement de familles démunies. En plus du travail à l’école, nous devons aussi faire des travaux des champs et des tâches ménagères. Si nous n’allons pas à l’école, nous ne pouvons que devenir fermiers, en ne voyant que la couleur des champs tout au long de la journée, le dos tourné vers le ciel. L’éducation est le seul échappatoire au village.”
Comparez ce témoignage au fait que l’entreprise donne plus de 100 millions au total chaque année. Le chiffre est impressionnant, mais il est difficile d’être en compétition avec l’impact émotionnel de l’histoire, très inspirante, de Xie Hu. P&G reconnaît que ces deux aspects sont des éléments nécessaires de sa communication sur sa responsabilité sociétale, mais l’entreprise utilise très clairement et de manière efficace le storytelling comme moyen de toucher les acteurs qui comptent pour elle, à la fois à un niveau émotionnel et rationnel. Certes, Xie Hu n’est que l’un des nombreux bénéficiaires de ce programme, mais se focaliser sur le combat d’un étudiant pour accomplir ses rêves transporte l’auditoire jusque dans la Chine rurale et éclaire les gens sur l’importance du travail de responsabilité sociétale de P&G.
Par Stéphane Dangel
Stéphane Dangel est consultant et formateur en storytelling. Il est l’auteur de « Storytelling minute » (Eyrolles – 2014). Il travaille avec tous types de clients, des groupes aux entrepreneurs porteurs de projets innovants.
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