Dans un article paru dans Harvard Business Review, Dulini Fernando et Ajnesh Prasad analyse la question du harcèlement sexuelle en entreprise.
Il existe un véritable déni sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, qui touche particulièrement les femmes. Il inclut non seulement le harcèlement sexuel mais aussi tout comportement qui rabaisse ou humilie une personne en raison de son sexe. Une étude dans les secteurs militaire et juridique a montré que neuf femmes sur dix avaient subi un harcèlement lié au genre au cours de leur carrière.
Silence des victimes
La plupart des victimes restent silencieuses par peur des conséquences ou par sentiment d’inutilité de leur démarche. Cependant, les mécanismes de ce silence sont moins étudiés. En 2016, nous avons interrogé 31 universitaires en début et milieu de carrière dans des écoles de commerce au Royaume-Uni pour comprendre comment les victimes sont réduites au silence, qui les influence et ce qui se passe quand elles essaient de parler face à ce déni sur le harcèlement sexuel.
Expériences partagées et obstacles rencontrés
Nos interviewées ont décrit divers incidents de remarques sexistes, de harcèlement pendant la grossesse, d’intimidation et d’avances sexuelles. Toutes ont partagé leurs expériences avec leurs supérieurs, les RH et des collègues. Trois obstacles majeurs ont émergé lorsqu’elles ont essayé de parler :
- Prouver que l’expérience est rare et significative Les victimes devaient souvent prouver que leurs expériences n’étaient pas courantes ni insignifiantes pour déposer une plainte. Par exemple, Alaina, une professeure adjointe, a vu son chef de département minimiser ses plaintes, lui faisant sentir qu’elle avait mal interprété la situation et qu’elle était partiellement responsable.
- Faire confiance au système pour résoudre les problèmes Les femmes étaient souvent priées par les RH de laisser le système résoudre leurs problèmes discrètement. Neev, une chercheuse senior, a été traitée de manière condescendante et a vu son problème archivé sans véritable résolution, la laissant confuse et déprimée.
- Subir les conséquences après avoir défié le système Les collègues bien intentionnés conseillaient souvent aux victimes de ne pas se plaindre pour éviter des répercussions sur leur carrière. Abbey a été avertie par ses collègues de ne pas se plaindre de son traitement injuste pendant son congé de maternité, par peur d’être perçue comme une trouble-fête.
Complicité et culture de harcèlement
Nos recherches montrent que le harcèlement sexuel résulte non seulement des actions d’individus mais aussi de la complicité de tiers. Les managers, les RH et les collègues jouent un rôle crucial en réduisant les victimes au silence et en protégeant les agresseurs. Cette complicité démoralise les victimes, les pousse à se désengager du travail et nuit à la productivité et à l’engagement organisationnel.
Recommandations pour les organisations pour sortir du déni sur le harcèlement sexuel
- Légitimer les plaintes Les managers doivent encourager les employés à se plaindre et les entreprises doivent adopter des politiques protégeant ceux qui parlent.
- Clarifier les procédures Les organisations doivent définir clairement le harcèlement sexuel, les procédures de traitement des plaintes et les mécanismes de soutien pendant et après le processus de plainte.
- Écouter et valider les victimes Les victimes doivent se sentir entendues, leurs préoccupations validées et leurs plaintes traitées sérieusement. Il est essentiel de prendre des mesures pour tenir les coupables responsables et prévenir de futurs incidents.
- Responsabiliser les collègues Les employés doivent réfléchir à leur réponse aux préoccupations des collègues. En encourageant le silence, ils contribuent à une culture de harcèlement.
Il est crucial que les organisations adoptent des politiques et des pratiques qui soutiennent les victimes de harcèlement sexuel, tout en tenant les agresseurs responsables, afin de créer un environnement de travail sûr et équitable pour tous.
Rédaction : Barba Méline
Relecture : Turquey Jérôme