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Rôle de la médecine du travail : vers une responsabilité

Le rôle de la médecine du travail est controversé

La question se pose de la responsabilité du médecin du travail qui ne permet pas à la personne morale de respecter l’obligation de sécurité de résultat en matière de violence ou harcèlement car cela n’est pas conforme au rôle de la médecine du travail.

L’avis du médecin du travail s’impose aux parties et au juge (Cass. Soc., 10 novembre 2009, N° 08-42674, FS-P+B+R), l’article 28 du Code de déontologie médicale (R 4127-28 du Code de la santé publique) disposant que la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite.

Le rôle des médecins du travail dans leur ensemble est utile à l’entreprise comme aux salariés comme le relate le Dr Ramaut (Ramaut (D.), Journal d’un médecin du travail. Paris, Le Cherche Midi, 173 p.)

Dans leur Lettre de l’inspection médicale en Auvergne (Octobre 2013 – n° 1) les médecins inspecteurs du travail, Dr Marie-Christine Riol et Dr Françoise Christofeul, observent que le Médecin Inspecteur Régional du travail et de la Main d’œuvre (MIRTMO) suit souvent l’avis du médecin du travail lorsqu’il s’agit d’une inaptitude au poste ou à tous postes alors qu’il est plus partagé quand il s’agit d’une aptitude avec ou sans restrictions.

Une présentation remarquable de l’UIMM Loire titrée  « Les principales questions relatives à l’inaptitude physique du salarié – Réunion informations sociales 15 et 18 avril 2013 » expose les formulations que peut utiliser un médecin du travail, pour alerter l’employeur sur une situation de harcèlement moral, et il en est sans nul doute de même sur une situation de violence.

L’employeur doit cependant être attentif à certaines formulations qui laissent présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

Exemples :

« Inapte définitivement à tous postes. Apte à un poste extérieur à l’entreprise… »

« Inapte à son poste. Apte à un poste identique dans un autre service »

« Inapte dans les conditions de travail actuelles »

« Inapte en raison d’une souffrance au travail »

« Inaptitude à un poste en contact avec les autres salariés ou la direction » (Cass. soc, 13 février 2013, n° 11-27652)

 

La décision du 26 juin 2014 de la Chambre disciplinaire de l’ordre national des médecins (N°11843) est très claire sur d’une part la compétence du Médecin du Travail pour établir un lien entre les conditions de travail et la pathologie du salarié, et d’autre part ses possibilités d’intervention auprès de l’Inspection du Travail à raison de ses missions :

(…) qu’elle a attribuées à des causes professionnelles «en raison des risques psychosociaux » et du « contexte d’environnement relationnel extrêmement délétère » existant dans cette entreprise (…) ses constatations l’ayant amenée à alerter l’employeur et à le rencontrer puis à saisir à trois reprises l’inspecteur du travail

Dès lors qu’il n’est pas fautif pour le médecin du travail d’attribuer à des causes professionnelles « en raison des risques psychosociaux » et du « contexte d’environnement relationnel extrêmement délétère » existant dans une entreprise et d’alerter l’employeur et l’inspecteur du travail, on peut déduire qu’est fautif de ne pas le faire et de ne rien vérifier

 

Mais, alors que des organisations patronales ont le souci de leur obligation de résultat en matière de santé et sécurité au travail à l’instar de l’UIMM Loire précitée, le médecin du travail qui manque à ses devoirs par l’inaction voire le déni des faits comme le silence sur de la violence doit être sanctionné. De même que le Médecin Inspecteur Régional du Travail et de la Main d’œuvre entérinant les manquements du médecin du travail par l’inaction (non application de la loi N° 2000-321 du 12 avril 2000 si un salarié demande à la rencontrer) voire le travestissement des faits.

 

Cette responsabilité est ancienne mais sans doute renforcée aujourd’hui. Ainsi, comme le rappelle la présentation de l’UIMM Loire précitée, la responsabilité du service de médecine du travail a-t-elle été retenue suite au licenciement pour inaptitude décidé par l’employeur, induit en erreur par le conseil erroné du médecin du travail qui avait délivré un avis d’inaptitude non conforme aux prescriptions légales (Cour d’appel de Toulouse, 3 mai 2002, STRAS MEDECINE DU TRAVAIL C/Sté DONINI).

Plusieurs auteurs ont fait état de cette responsabilité dans des articles récents :

L’administration devrait pouvoir traduire systématiquement devant le Conseil de l’Ordre les médecins qui ont failli ou menti par action ou omission dans un certificat de complaisance, se fiant uniquement aux dires d’une partie – employeur ou salarié – sans esprit critique et/ou vérification alors même que par une décision du 26 juin 2014, la Chambre disciplinaire de l’ordre national des médecins reconnait au médecin du travail des moyens d’action.

La partie victime, employeur ou plus rarement salarié, peut engager la responsabilité du médecin. Devant le Conseil de l’Ordre il n’y a aucun délai opposable (Voir Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 applicable à l’Ordre des Médecins).

 

Source : https://pixabay.com/fr/m%C3%A9decin-personnes-femme-m%C3%A9decine-145198/

Jérôme: Jérôme se propose d’aider les organisations à mettre en œuvre les bonnes pratiques de management et de gouvernance pour une prévention pragmatique des risques. Il a notamment développé une méthode d’analyse pertinente des dysfonctionnements avérés de management que révèle toujours l’implication de toute entreprise dans du contentieux voire du précontentieux pour en tirer des préconisations d’amélioration de l’organisation en complémentarité des professionnels avec lesquels l'entreprise travaille (avocats, experts comptables, notaires, assureurs...)..
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