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Droit au chômage 2021 : les vraies questions pour une réforme

Droit au chômage 2021 : quelle réforme ?

Les droits au chômage sont en constante discussion depuis plusieurs années déjà et se dessine un nouveau droit au chômage 2021 alors que le Premier Ministre consulte les organisations syndicales.

Le droit a créé il y a quelques années la contrainte pour les chômeurs d’accepter un emploi par l’application stricte de l’offre raisonnable [1] elle qu’elle est définie dans le code du travail à l’article L 5411-6-3 [2], par :

  • la création d’un journal de bord que le demandeur d’emploi sera obligé de compléter pour rendre compte de ses diligences pour retrouver un emploi,
  • l’augmentation du nombre de contrôleurs  (triplement d’ici la fin de l’année),
  • La révision de l’échelle de sanctions pour que l’absence de démarche pour chercher un emploi doit être davantage sanctionnée que le refus ou l’impossibilité de se rendre à une convocation de Pôle Emploi.

La ministre du travail Muriel Pénicaud avait expliqué à L’Opinion [3] le renforcement du contrôle par le fait que « L’immense majorité des demandeurs d’emploi cherchent activement un emploi mais la petite minorité de ceux qui abusent jette l’opprobre sur les autres demandeurs d’emploi. Elle décourage les employeurs, elle décourage les autres salariés qui se disent pourquoi, moi, je travaille… « . Elle a ajouté « Il y a l’engagement du demandeur d’emploi qui doit chercher, mais aussi celui de Pôle emploi qui est de mettre à disposition la qualité de service pour aider chacun. »

Pôle Emploi avait dressé un bilan du contrôle des chômeurs, entamé fin 2015 [4]: 269.000 contrôles ont abouti à 14% de sanctions, ce qui est peu et interroge quant aux effectifs prévus pour le contrôle au lieu d’une mission d’accompagnement.

Tous les jours – et les rapports du Défenseur des Droits voire de la Cour des Comptes en témoignent – les allocataires subissent le manque d’organisation et de responsabilité des caisses gérant les assurances sociales en France, ce qui soulève un débat sur le système français de protection sociale.

Rien ne vaut un témoignage pour parler d’expérience d’un sujet et en tirer des principes pondérés pour les réformes : in medio stat virtus.

Quand « Pole Emploi » aurait pu nuire à la reprise d’un emploi sans être « responsable »

En 1998- 1999, j’ai suivi un stage de formation continue indemnisé en AFR (Allocation Formation Reclassement). L’ASSEDIC de Courbevoie (92), prédécesseur du Pole Emploi, a refusé le paiement de l’AFR pour le dernier mois de formation alors qu’elle a reçu sans le moindre doute la déclaration de situation mensuelle à la fin de ce mois et surtout l’attestation d’assiduité du Centre de Formation (état UL961) au début du mois suivant. L’erreur sur le dossier a été signalée à plusieurs reprises alors que j’étais en négociation pour un emploi au Luxembourg, après être resté plus d’un an hors poste, avec donc une mobilité à financer, ce dont l’ASSEDIC était informée (deux appels téléphoniques à l’ASSEDIC, deux déplacements à l’ANPE, un déplacement à l’ASSEDIC, deux courriers dont un recommandé avec avis de réception au Chef de Bureau de l’Antenne de l’ASSEDIC), sans que le dossier ne soit régularisé avec diligence conformément au(x) droit(s) pour une erreur manifeste dans le dossier.

Le dossier a été porté à la connaissance du Médiateur de la République, qui est souvent saisi par des allocataires, comme en témoignent les rapports annuels. L’institution du Médiateur a confirmé l’erreur de l’ASSEDIC, qui avait finalement régularisé le dossier entre temps.

J’ai dû casser mon Plan Epargne Logement (PEL) pour financer ma mobilité, et sans ce PEL qui est de l’épargne longue qui n’était pas destinée à couvrir des dépenses alimentaires voire aurait pu ne pas être disponible, il y aurait eu perte de chance, la mobilité pour accéder à l’emploi, la mobilité ne pouvant alors être financée .

L’ASSEDIC s’est réfugiée derrière ses statuts pour rejeter toute idée de réparation. Une procédure a alors été engagée par l’allocataire devant le Tribunal d’Instance compétent pour demander des dommages et intérêts à l’ASSEDIC en remettant au Tribunal d’instance un mémoire comportant des conclusions précises et les pièces justificatives appuyant le raisonnement développé.

Lors de l’audience publique, le représentant de l’ASSEDIC n’a exprimé aucun regret pour l’erreur. Il a dénoncé « l’activisme de l’allocataire » (sic) : je m’étais manifesté à plusieurs reprises auprès de la caisse pour obtenir le paiement, ce qui aurait intrigué le personnel, créé le doute et ainsi entraîné des vérifications à l’origine du retard de paiement. Il est plaisant, alors que l’ASSEDIC connaissait l’enjeu d’un emploi avec une mobilité à financer, de s’être vu reproché de se démener pour sortir du chômage. En tout état de cause, le Code Civil laissait à l’ASSEDIC la possibilité de récupérer d’éventuels indus ultérieurement (Cf. article 1377).

Enfin, le stage suivi étant pour anecdote sur l’Assurance Qualité et le Service Client, le représentant de l’ASSEDIC a attribué la démarche de l’allocataire à une « mise en pratique » sic) du stage par un « contestataire du système français de protection sociale membre d’une association de défense » (sic).

Dans son Jugement le Tribunal d’Instance m’a débouté :

  • Pour que l’article 1153 du code civil de l’époque s’applique [5] (il est devenu l’article 1231-6 [6]), il eût fallu selon le jugement que la lettre recommandée avec avis de réception de l’allocataire au Chef de l’Antenne ASSEDIC fût expressément une sommation de payer. Ainsi l’objet de la lettre recommandée avec AR  » Signalement d’un dysfonctionnement de vos services me portant préjudice  » est-il utilisé défavorablement pour rejeter l’application de l’article 1153. En pratique on imagine pourtant mal l’allocataire, souvent fragilisé par sa situation, adresser à une caisse une  » sommation de payer  » dans les formes. En outre une lettre recommandée de réclamation à un Chef de bureau d’une caisse dont le rôle est d’effectuer des paiements a objectivement le caractère solennel d’une  » lettre missive  » :  » écrit adressé à une personne déterminée, de caractère intime et personnel  » (lexique de termes juridiques, éditions Dalloz) ;
  • Pour ce qui est de l’article 1382 du code civil dans sa version à l’époque [7] (il est devenu l’article 1240 [8]), des éléments déclarés manquants dans le jugement pour rejeter la demande (preuve que l’ASSEDIC avait bien reçu les pièces justificatives de la part de l’organisme de formation) faisaient pourtant partie des pièces du dossier : la preuve que l’ASSEDIC avait bien reçu de l’organisme de formation les pièces nécessaires au paiement est apportée en rapprochant l’état UL961 envoyé à l’ASSEDIC par l’organisme de formation sur lequel figure le nom d’un collègue de stage qui a attesté par écrit avoir lui été payé dans les temps, ce qui signifie que le document a bien été reçu par l’ASSEDIC. En outre, le lien de causalité direct au sens étroit où cette notion est entendue par la Cour de Cassation est très difficile à justifier. En l’occurrence, pas de causalité directe entre le retard de versement et la rupture anticipée du PEL ;
  • La demande d’article 700 de l’ASSEDIC a toutefois été rejetée.

On comprend alors que dans sa préparation du Stage syndical de Beaulieu sur Mer (30 septembre et 1er octobre 2000), le Syndicat de la Magistrature déplore que  » (…) les magistrats, soumis à la pression productiviste, sommés de produire des décisions à des cadences toujours plus soutenues, dans des conditions toujours plus acrobatiques, n’ont d’autre choix que de rendre des décisions stéréotypées, de reproduire des modèles d’usage, et de s’empêcher, par manque de temps, de s’interroger sur le sens et sur les conséquences de leurs décisions ce qui revient, en fin de compte, à défendre un ordre immuable préétabli (…) ». C’est dans ce contexte d’un manque de moyens réels des Juridictions qu’il faut comprendre les limites de l’intervention du juge sur la base du droit commun en matière de responsabilité pour reconnaître les droits et le droit de l’allocataire subissant un préjudice à cause des erreurs d’un organisme gérant une assurance sociale, ce qui pose la question de textes traitant expressément de la question alors  qu’un discours politique nauséabond, à droite, à gauche et au centre, veut faire la « chasse au chômeur ».

Plus récemment, en 2012, je me suis de nouveau retrouvé hors poste. Il y a eu des blocages réglementaires lorsque j’ai voulu faire valoir mes droits, ce dont j’ai saisi le directeur régional faisant notamment valoir que dans ma vie professionnelle :

  • j’ai été mobile : venu au Luxembourg depuis Paris, poste à Sarralbe habitant Thionville avec double résidence, poste à Sarreguemines habitant Thionville…
  • J’ai accepté des postes moins rémunérés.

La situation a été débloquée avec diligence.

Au vu de ce qui précède, n’ayant aucune leçon à recevoir sur le sujet de la recherche d’emploi quand on est demandeur d’emploi, je peux formuler plusieurs observations sur les projets du gouvernement pour inciter au retour à l’emploi.

Les voies d’une réforme juste pour le droit au chômage 2021

Le contrôle pragmatique des employeurs corollaire du contrôle des demandeurs d’emploi

La réforme du code du travail par l’ordonnance N°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail les décrets afférents a été présentée comme moyen de créer de l’emploi. Mais Mr « 1 million d’emplois » l’a laissé entendre : les emplois c’est pas pour tout de suite : « quelques années [9] » peut renvoyer après les prochaines présidentielles, en 2022. En revanche les licenciements au lance pierre c’est maintenant. Et les « opérations porte ouverte » annoncées chez General Electric ou Whirlpool le montrent.

Je n’ai pas de problème avec l’idée d’un reporting de la recherche d’emploi par le bénéficiaire, qui n’est qu’une formalité pour un allocataire organisé (suivi des candidatures sur tableau ou logiciel emploi) et soulève la question des moyens humains et techniques à Pole Emploi (Cf. infra). Mais il doit avoir pour corollaire le contrôle des employeurs, mais pas au sens où l’entendent les esprits chagrins syndicalistes avec des idées absurdes comme l’autorisation administrative de licenciement ou autres inepties comme les 35 heures.

Il doit s’agir à l’heure de la simplification administrative et du droit à l’erreur d’un contrôle pragmatique. Les informations étant dématérialisées, il pourrait être établi de manière des ratios sur le partage de la valeur ajoutée pour mettre en exergue les entreprises au civisme perfectible dont le partage de la valeur ajoutée se fait au détriment des salariés (défaut de formation…).

Il doit s’agit aussi d’une intransigeance à l’égard de ceux des employeurs qui dévoient le pouvoir de direction et la loyauté sous prétexte de compétitivité, restructuration… : les services du ministère du travail ne sont pas incités à être très regardant avec les employeurs transgressifs, bien au contraire, ce qui est très regrettable.

La fiscalité au service des demandeurs d’emploi

Pour les petits salaires, les frais réels aux impôts doivent être encouragés eu égard au coût d’une recherche d’emploi avec le cas échéant mobilité. Deux sites précisent les conditions actuelles sur le site des impôts : page « Je déclare mes frais professionnels [10] » et surtout page « Base d’imposition des traitements, salaires et revenus assimilés – Charges déductibles du revenu brut – Dépenses professionnelles des salariés – Déduction des autres frais réels [11]« .

La possibilité des frais réels est finalement peu connue et il faudrait informer les demandeurs d’emploi et les aider pour présenter leurs frais de façon recevable par l’administration fiscale.

Le principe de la responsabilité des organismes gérant les assurances sociales causant un préjudice à l’allocataire devrait être consacré à un niveau supra-juridictionnel (loi et/ou convention)

Faute de pouvoir compter sur l’arbitrage du juge dans le cadre légal et conventionnel actuel, seule une évolution des textes pourrait permettre d’engager la responsabilité des organismes gérant les assurances sociales lorsqu’ils causent un préjudice.

Des intérêts de retard devraient être prévus expressément par la loi

L’article 1231-6 du Code Civil dans la nouvelle codification dispose que « Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire. »

Dans les retard de paiement des allocations, de tels intérêts de retard devraient ainsi être prévus par la loi, par exemple sous la forme par exemple d’un imprimé type de réclamation remis à l’allocataire à adresser en recommandé avec AR à la caisse défaillante et faisant courir de plein droit les intérêts de retard, l’allocataire lambda ne pouvant dans la pratique adresser sérieusement une sommation de payer à la caisse, et tout courrier de réclamation pouvant être interprété par un tribunal de manière subjective comme ne constituant pas « un autre acte équivalent tel une lettre missive« .

Il serait juste que tout paiement non effectué à l’échéance au bénéfice de l’allocataire ayant rempli ses obligations et plus généralement que toute erreur de gestion dans le dossier ayant eu des conséquences financières ou autres pour l’allocataire donne lieu à une indemnisation automatique de droit en cas d’erreur manifeste sans qu’il soit nécessaire de prouver un lien de causalité directe. L’irresponsabilité inconditionnelle des organismes gestionnaires des assurances sociales lorsqu’ils causent un préjudice doit être révolue.

La responsabilité pour faute dans le droit au chômage 2021

S’agissant de l’article 1240 du Code civil dans la nouvelle codification, il est certes, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation notamment du 12 juillet 1995 sur la base de l’ancienne codification  (Cass. soc, N°93-12196, 12 juillet 1995 [12]), applicable aux organismes gestionnaires des assurances sociales lorsqu’ils causent un préjudice : peu important que la faute soit ou non grossière, et que le préjudice soit ou non anormal. Mais il ne s’agit que d’une jurisprudence. La réparation du préjudice devrait être prévue expressément par les textes et pourrait par exemple s’inspirer du principe des sanctions pécuniaires « forfaitaires » à titre de dommages-intérêts que subit automatiquement l’allocataire commettant une erreur même de bonne foi dans sa déclaration de situation.

L’obligation de résultat pour Pole Emploi dans le droit au chômage 2021

Enfin, le corollaire d’une indemnisation plus difficile à obtenir et des sanctions doit être une quasi obligation de résultat pour Pole Emploi.

Il manque du personnel et des moyens techniques à Pole Emploi, qui ne fonctionne pas de manière optimale comme une plateforme tendant vers le marché parfait avec liste exhaustive et actualisée des offres et demande d’emploi. Cela ne fera pas les affaires des sites payants pour les entreprises (Monster et autres), mais il vaudrait mieux financer un site unique où se retrouveraient offreurs et demandeurs.

 

 

 

En conclusion, l’irresponsabilité des organismes gérant les assurances sociales est contraire aux politiques publiques actuelles de lutte contre les exclusions. Les dispositions de droit commun en matière de responsabilité ne permettent pas à l’allocataire de faire valoir rapidement ses droits lorsqu’il subit un préjudice. Echappant à toute sanction explicite de leurs erreurs notamment lorsqu’elles causent un préjudice, n’ayant aucun compte à rendre aux allocataires, les organismes gérant les assurances sociales n’ont pas d’incitation a traiter avec diligence les réclamations souvent fondées des allocataires et plus généralement à communiquer avec respect avec les allocataires qui ne sont que des numéros.