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Mauvaise gestion de crise lors de la mise en cause d’élus

Mauvaise gestion de crise lors de la mise en cause d’élus

L’annonce de la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour un motif il est vrai qui choque plus que d’autres (abus de faiblesse), fait fuser les réactions et il est intéressant de comparer la sémantique des réactions à la mise en examen de Nicolas Sarkozy aux réactions à la mise en examen de Martine Aubry il y a quelques mois pour faire des conclusions sur les moeurs de ceux qui nous gouvernent

Les réactions à la mise en examen de Martine Aubry

Un article du Lab.europe1.fr compile les réactions à la mise en examen de Martine Aubry sous le titre « ABSURDE, ÉCOEURANT, INJUSTE: LES RÉACTIONS SOCIALISTES À LA MISE EN EXAMEN DE MARTINE AUBRY »

Christiane Taubira, ministre de la Justice, a « rappelé toute l’estime qu'(elle a) pour madame Aubry ». Mais elle a tenu à préciser que : En tant que garde des Sceaux, je ne fais pas de commentaire, la justice fait son travail. Mais nous avons une justice qui respecte le contradictoire, donc la défense fera aussi le sien.

Le porte-parole du Parti socialiste, David Assouline, a estimé que la décision du tribunal de grande instance de Paris est « absurde et injuste ».

Le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, a exprimé aussi son désappointement. Pour lui, il « faut que la justice avance », mais il précise que cela lui semble « très injuste ».

Jérôme Guedj, député de l’Essonne et incarnation de l’aile gauche du Parti socialiste a jugé cette mise en examen comme infamante.

Charlotte Brun, secrétaire nationale du Parti socialiste aux affaires sociales, a déclaré « Mettre en examen celle qui n’a eu de cesse de se battre pour les salariés et leurs conditions de travail… Je suis écœurée. »

Harlem Désir a exprimé son « incompréhension face à la convocation de Martine Aubry sous le régime de la mise en examen et non comme témoin ». Son successeur partage à cette occasion « sa plus grande solidarité devant cette injustice qui lui est faite ».

BFM TV a également recueilli d’autre réactions y compris à droite dans un article titré « « Infâmant », « Un peu abusif » : la mise en examen d’Aubry suscite de vives réactions »

Noël Mamère, député-maire Europe Ecologie-Les Verts, ne cache pas sa colère : « Je pense que Madame Aubry a fait tout ce qu’elle devait faire à l’époque, et cette mise en examen est malvenue. Je trouve ce traitement particulièrement disproportionné et infâmant.

Gérard Bapt, député PS spécialiste de la santé, est lui plus nuancé : « Je suis malheureux pour elle, connaissant sa rigueur intellectuelle. On touche là à une pratique un peu abusive avec cette mise en examen. Le statut de témoin assisté aurait été plus adapté. Néanmoins, on peut se réjouir que la justice travaille, même de manière si tardive. »

Plus surprenant, Bernard Debré, député UMP spécialiste de la santé, n’a pas hésité à prendre la défense de son adversaire politique : « Je suis toujours surpris lorsqu’une procédure arrive presque trente ans après les faits. Si notre système met autant de temps à se rendre compte d’anomalies, c’est très regrettable. Par ailleurs, j’aurais préféré qu’elle ait le statut de témoin assisté. Cette mise en examen me choque. Je ne peux évidemment pas me prononcer sur sa culpabilité, mais il faut se remettre dans le contexte : à l’époque, le mésothéliome était une maladie extrêmement rare, c’était encore très nébuleux. »

Enfin, Valérie Boyer, députée et ancienne secrétaire nationale UMP à la santé, est restée dans son rôle d’opposante politique : « J’ai l’impression que c’est l’arroseur arrosé, car c’est typiquement le genre de procès d’intention que la gauche adore faire à la droite. Les socialistes ont l’habitude de réécrire l’histoire à la lumière d’aujourd’hui, comme ils l’ont fait récemment pour les événements du 17 octobre 1961. Là, c’est à eux de s’expliquer du passé. »

Les réactions à la mise en examen de Nicolas Sarkozy

Libération a compilé les réactions à la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans un article titré « Réactions à la mise en examen de Sarkozy: colère à l’UMP, discrétion à gauche » :

Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice et membre de l’association «Les amis de Nicolas Sarkozy», a dénoncé des »’méthodes au relent politique évident», en ajoutant toutefois «espérer que la justice de notre pays ne permettra pas longtemps encore l’instrumentalisation de cette affaire». Il a fait remarquer que la mise en examen de Nicolas Sarkozy était intervenue «48 heures après la mise en cause d’un ministre socialiste», Jérôme Cahuzac, contraint de démissionner de son poste de ministre du Budget. «Sans doute pour faire compensation», a glissé M. Estrosi.

Valérie Debord, déléguée générale adjointe de l’UMP, a elle aussi parlé sur BFMTV «d’acharnement contre Nicolas Sarkozy», estimant qu’«un certain nombre de personnes voudraient voir Nicolas Sarkozy à terre».

Geoffroy Didier, co-président du collectif UMP «la droite forte», s’est dit sur BFMTV «choqué» par «l’acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy».

A gauche, le porte-parole du Parti socialiste, David Assouline, a jugé que l’objet de la mise en examen de M. Sarkozy était «grave pour un ancien président de la République», tout en appelant au respect de la présomption d’innocence.

«On peut défendre la présomption d’innocence sans dénigrer la justice», a répliqué à l’UMP, sur twitter, le député Olivier Faure, proche du Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

L’express a également compilé quelques réactions dans un article titré  « Sarkozy mis en examen: la stratégie com’ de la droite pour riposter » :

La mise en examen de Nicolas Sarkozy pour abus de faiblesse au moment où le juge Gentil va clore l’instruction est incompréhensible », aux yeux du député UMP Patrick Ollier, fidèle à ce premier élément de langage. Quelques variantes sont toutefois possibles: l’ancien Premier ministre François Fillon s’est dit « stupéfait » après une décision « aussi injuste qu’extravagante », tandis que Benoist Apparu a affiché sa « surprise ». C’est « ahurissant et abject » pour Nadine Morano, invitée du Talk Orange-Le Figaro, alors que Valérie Pécresse a qualifié la situation de « surréaliste ».

« Je conteste la façon dont il fait son travail », a lancé Henri Guaino sur Europe 1. « Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice ». Plus vague mais tout aussi dur contre le juge, Thierry Mariani s’est demandé « s’il n’y a pas un certain acharnement de certains juges sur certaines personnalités »

Les moeurs de ceux qui nous gouvernent

Ces deux mises en examen à quelques mois d’intervalle sont très intéressantes car elles concernent les deux leaders de droite et de gauche de la période 2007-2012 : Nicolas Sarkozy comme président, Martine Aubry comme première secrétaire du premier parti d’opposition..

La réaction des intéressés et/ou leur avocat est elle-même très éclairante.

Martine Aubry a réagi sobrement et dignement. Cité par Reuters, elle a déclaré « La juge Marie-Odile Bertella-Geffroy a considéré qu’elle devait me mettre en examen pour mes fonctions de directeur des relations du travail il y a 25 ans, entre 1984 et 1987« , « Rien ne justifiait que je sois mise en examen » « Dès demain (mercredi) mon avocat déposera une demande en annulation de cette mise en examen » « tout cela ne peut se terminer que par une annulation« . Elle a effectivement interjeté appel. L’audience a eu lieu fin février et le dossier est en délibéré.

En revanche, Nicolas Sarkozy par la voie (ou la voix) de son avocat a choisi de discréditer le juge et la justice à l’instar des propos tenus à chaud (par exemple sur RTL) et d’une interview au JDD :

A chaud Me Herzog a déclaré que Nicolas Sarkozy, mis en examen jeudi pour « abus de faiblesse » dans l’affaire Bettencourt, s’estime scandaleusement traité. Me Thierry Herzog a lui-même qualifié d' »incohérente sur le plan juridique » et d' »injuste » cette mise en examen dans un dossier portant sur d’éventuels financements illégaux de la campagne présidentielle de l’ancien chef de l’Etat en 2007.  »

Dans le JDD, il suggère que le juge pourrait manquer d' »impartialité » pour avoir signé une tribune sur les insuffisances de la lutte contre la corruption sous le mandat de Nicolas Sarkozy.

Le texte évoqué a été publié le 27 juin 2012 dans le quotidien Le Monde sous le titre « Agir contre la corruption, l’appel des juges contre la délinquance financière ».

L’on peut rappeler à Me Herzog l’avis de l’OCDE dans un rapport sur la corruption en France peu après (mission du 2 au 4  avril 2012), avec le cas de Nanterre en particulier mis en exergue (Voir l’article de Challenge : « Corruption : l’OCDE adresse un carton rouge à la France« ) :

« L’absence d’affaires de corruption internationale traitées par le tribunal de NANTERRE, l’une des plus importantes juridictions de France qui a sous sa compétence le quartier d’affaires de la Défense, siège de nombreuses multinationales, laisse aussi interrogateur sur le degré d’investissement de certains tribunaux en la matière« , dit notamment le rapport paragraphe 108 page 44.

Qui était procureur à Nanterre ? Eu égard aux liens privilégiés reconnus avec Nicolas Sarkozy se traduisant par des rencontres fréquentes établies au cours desquelles le dossier Bettencourt n’aurait pas été évoqué (et il n’y a aucune raison de mettre en cause sa parole), il n’est pas interdit de penser que la lutte contre la corruption ne l’a sans doute pas été davantage. Et en tout cas je n’ai pas trouvé de demande de sa part sur le sujet alors que sa nomination  avait été controversée mais qu’il avait promis l’action : « J’ai pu vérifier que ma nomination à la tête de ce parquet avait suscité certains commentaires, revisitant mes décisions passées,tordant les réalités judiciaires, interprétant l’avenir. (…) Les seules réponses dignes à opposer sont l’action, l’exemple et l’indifférence » a-t-il déclaré.

Toutefois, Nicolas Sarkozy a – tardivement – publié sur Facebook  un communiqué d’apaisement : « Au moment où je dois faire face à l’épreuve d’une mise en examen injuste et infondée, je veux remercier du fond du cœur tous ceux qui ont tenu à me témoigner de leur confiance. A tous, à ceux qui m’ont soutenu comme à ceux qui m’ont combattu, je veux affirmer qu’à aucun moment dans ma vie publique, je n’ai trahi les devoirs de ma charge. Je vais consacrer toute mon énergie à démontrer ma probité et mon honnêteté. La vérité finira par triompher. Je n’en doute pas. Il va de soi que je ne réclame aucun traitement particulier si ce n’est celui de tout citoyen d’avoir le droit à une justice impartiale et sereine. C’est parce que j’ai confiance dans l’Institution judiciaire que j’utiliserai les voies de droit qui sont ouvertes à tout citoyen. NS »

 

Au total au lieu d’interjeter sereinement appel et de calmer les troupes immédiatement, on a le sentiment que Nicolas Sarkozy les a excité par l’intermédiaire de son avocat, avant de communiquer vers l’apaisement, alors que Martine Aubry avait fait preuve d’entrée de davantage de retenue.

Avec certaines réactions politiques ou plutôt politiciennes assez minables, on a le sentiment que certains rêvent d’une magistrature couchée se substituant à la magistrature assise, qui a fait son job pour Martine Aubry et Nicolas Sarkozy, voire à la magistrature debout, qui a fait son job dans le cas Cahuzac alors qu’elle est souvent critiquée pour la proximité statutaire avec le pouvoir.

Le poisson pourrit par la tête. Il ne faut pas s’étonner du comportement des administrations et de certains fonctionnaires lorsque ceux qui les dirigent, les politiques au niveau territorial comme au niveau national, se croient au dessus des lois et font peu de cas de l’intérêt général et du respect du droit tout en normalisant le conflit d’intérêt.

Et il est de fait que l’arrivée de Hollande n’a pas changé de paradigme dans l’administration (Cf. par exemple à la DGT au Ministère du travail ou des décisions sont prises après l’alternance au mépris du droit et des droits) comme dans la vie politique (Cf. le cas de Cahuzac alors que le conflit d’intérêt était avéré et ne se discutait pas).

 

 Mais le militant, de droite ou de gauche, est stupide : il ovationne l’élu condamné en agitant son drapeau.

L’électeur est non moins stupide : il réélit…

Et le système se perpétue.

« Les Français sont des veaux », disait de Gaulle.

 

 

 

Jérôme: Jérôme se propose d’aider les organisations à mettre en œuvre les bonnes pratiques de management et de gouvernance pour une prévention pragmatique des risques. Il a notamment développé une méthode d’analyse pertinente des dysfonctionnements avérés de management que révèle toujours l’implication de toute entreprise dans du contentieux voire du précontentieux pour en tirer des préconisations d’amélioration de l’organisation en complémentarité des professionnels avec lesquels l'entreprise travaille (avocats, experts comptables, notaires, assureurs...)..
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