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Loi anti fraude fiscale :

 

Suite aux révélations avérées sur Jérôme Cahuzac, a été créée une « Commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’Etat, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du Gouvernement [1]» (ouf !) que l’on appellera par la suite la « Commission Théodule », car elle ne servira à rien, a explosé suite au refus d’audition du premier ministre en exercice, Jean-Marc Ayrault.

La « Commission Théodule » présidée par un député de l’opposition et donc le rapporteur est député socialiste avait été instituée suite à la confirmation du compte non déclaré de Jérôme Cahuzac par lui-même après des mois de dénégations. Il faut sans doute saluer la création d’une telle commission dont la présidence a été confiée à l’opposition. Il y a eu des heures d’auditions, la plupart publiques et il faut aussi saluer cette transparence.

Mais la posture des membres de l’opposition suite au refus d’entendre le Premier Ministre est de mauvaise foi et oblige a réagir l’électeur déçu de/par l’UMP que je suis : les éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’Etat concernent aussi l’opposition actuelle, même si le contentieux entre Rémy Garnier et Jérôme Cahuzac, mais aussi sa hiérarchie, commence sous un gouvernement de gauche en 1999 (Gouvernement Jospin) sur la question du redressement de la coopérative France-Prune, société fondée par le père de Laurence Parisot, présidente du MEDEF (2005-2013) [2].

La gauche a été virée du pouvoir après les élections présidentielles de 2002 d’une manière dont elle se souvient encore et qui pourrait encore se reproduire au vu des élections partielles et des sondages et de la médiocrité de l’action publique faute de changement de paradigme.

Les éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’Etat ont commencé sous la droite

C’est la droite qui est au pouvoir de 2002 jusqu’en 2012. Et c’est au cours de cette période 2002-2012 que les signalements sur le compte non déclaré de Jérôme Cahuzac sont faits par Rémy Garnier à sa hiérarchie jusqu’au ministère et qu’il est sanctionné pour faire son job d’inspecteur des impôts.

Certes, lors de sa première audition [3] Michel Gonelle date au printemps 2001 l’information de l’administration fiscale par lui. Mais il s’est agi d’une voie officieuse quelques mois avant l’alternance : « J’ai adopté une autre voie. J’avais, dans mon entourage très proche, et même dans mon intimité, un fonctionnaire des impôts. Avec mon accord, il a écouté le message et pris une initiative qui me semble la plus républicaine : informer de ce message et de ce qu’il avait appris avec mon intermédiaire, aussi avec mon accord, le service compétent en la matière, c’est-à-dire la représentation régionale, située à Bordeaux, de la Direction nationale des enquêtes fiscales – DNEF » (Cf.  le verbatim de l’audition de M. Jean-Noël Catuhe, inspecteur des impôts à la retraite) .

L’information officielle est faite en 2008 par Rémy Garnier.

Cité par La Dépêche [4] le 28 mai 2013, il déclare : « Au total, avec les procédures au tribunal administratif et devant la cour d’appel administrative, mon rapport a été adressé à huit reprises aux services du ministère. Cela a donné huit occasions aux ministres d’être informés (…) J’ai été accablé de procédures administratives, fiscales et judiciaires. C’est scandaleux ! S’il y a eu abus d’autorité, c’est du côté de ma hiérarchie qu’il faut la chercher».

Auditionnée le 21 mai 2013 par la « Commission Théodule », Amélie Verdier, Inspectrice générale des Finances, directrice de cabinet du ministre délégué au Budget, maintenue après le départ de Cahuzac [5], soutient que les documents produits par Rémy Garnier sont « fantaisistes ». Le verbatim mérite d’être relu car il met en exergue des dysfonctionnements antérieurs au gouvernement actuel :

(…) Lorsque l’article de Mediapart paraît, il est demandé au directeur général des finances publiques d’examiner le dossier disciplinaire. C’est à cette occasion qu’apparaît le mémoire produit en défense lors de l’une des nombreuses instances auxquelles M. Rémy Garnier était partie.

À cette date, j’ai eu connaissance de ce mémoire, daté du 11 juin 2008. Sur les douze pages qu’il comporte, une est consacrée à M. Jérôme Cahuzac, les autres à divers collaborateurs ou supérieurs hiérarchiques de M. Garnier. Sous le titre « S’adonner à Adonis », il fait référence à l’application informatique permettant de consulter des comptes. M. Rémy Garnier s’est ainsi affranchi des règles du secret fiscal et des instructions de sa hiérarchie puisque, à aucun moment, le dossier de M. Jérôme Cahuzac ne lui a été confié.

Les informations contenues dans le mémoire ne sont pas celles que l’on trouve habituellement dans le mémoire d’un inspecteur des impôts effectuant un contrôle. On peut y lire : « Il se nomme Jérôme Cahuzac, son statut d’élu semble lui conférer une immunité à vie ». Au milieu d’informations fantaisistes, dont il concède qu’il ne les a pas lui-même vérifiées, et fausses pour certaines, comme il l’a reconnu ultérieurement, est mentionnée l’ouverture d’un compte bancaire à numéro en Suisse.

Je ne sais pas si ce mémoire avait été porté à la connaissance des ministres précédents. Je peux dire que cela n’a pas été le cas pour M. Jérôme Cahuzac.

(…) Le fait que M. Garnier ait adressé de nombreux courriers à tous les ministres successifs, le caractère quelque peu fantaisiste des éléments qui y figuraient, le manque de cohérence de l’ensemble – je ne le dis nullement pour lui porter préjudice – ne plaidaient guère en faveur de son dossier.

 

Quelques observations :

  • On voit là la mauvaise foi de l’administration fiscale, qui se vérifie aussi dans d’autres administrations (administration du travail, administration de la santé…) : elle culpabilise celui qui alerte des turpitudes et le décrédibilise : Le fait que M. Garnier ait adressé de nombreux courriers à tous les ministres successifs, le caractère quelque peu fantaisiste des éléments qui y figuraient, le manque de cohérence de l’ensemble – je ne le dis nullement pour lui porter préjudice – ne plaidaient guère en faveur de son dossier. On rappellera qu’une négation (je ne le dis nullement pour lui porter préjudice) signifie que l’on pense l’inverse. En outre un jugement de la CEDH en faveur de Remy Garnier en 2008 (arrêt définitif du 29 septembre 2008 [6]) aurait du alerter les services de l’Etat, ainsi qu’une lettre ouverte datée du 13 mai 2011 au ministre François Baroin [7], Ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Enfin il est pour le moins surprenant de lui reprocher ses nombreux courriers et le manque de cohérence dès lors  qu’il ne se passait rien et qu’il était sans doute marqué par son histoire.
  • Ce n’était pas un contrôle : Les informations contenues dans le mémoire ne sont pas celles que l’on trouve habituellement dans le mémoire d’un inspecteur des impôts effectuant un contrôle. Rémy Garnier a écrit davantage en citoyen qu’en inspecteur des impôts dès lors qu’il a constaté une carence de son administration et de sa hiérarchie à agir.
  • On apprend que lorsqu’il y a un ordre « politique » quitte à entériner une (des) illégalité(s) ou un primauté des rapports de force sur le droite et/ou la morale, l’administration suit : [il] s’est ainsi affranchi des règles du secret fiscal et des instructions de sa hiérarchie. La confirmation de M. Jean-Noël Catuhe, inspecteur des impôts à la retraite à une affirmation du rapporteur est éloquente : « dans l’administration quand il y a des dossiers sensibles on s’abstient ». Je croyais que nous étions dans un Etat de droit i.e. soumis au droit qu’il crée, or manifestement l’administration se fout d’appliquer et faire appliquer la loi et le droit en général, même si le juge administratif souvent dit le droit mais très tard, comme cela a été le cas pour Rémy Garnier [8].

Je peux confirmer ce fonctionnement de l’administration avec la légitimité de mon expérience : l’administration est aussi pitoyable sous la droite que sous la gauche, qui a entériné pour raisons politiques des décisions de la droite contraires à l’Etat de droit.

Qui veut grimper au cocotier doit avoir les fesses propres

Pour en revenir à la porte claquée de la « Commission Théodule » par l’UMP, quelques réactions outrées des membres après la décision de ne pas entendre le Premier Ministre donnent le ton :

  • « Nous avons demandé l’audition du Premier ministre, elle nous a été refusée par la majorité qui a décidé de tout verrouiller. Plus l’on s’approche de la vérité, plus le pouvoir est fébrile. La ligne de défense est en train de craquer. Des ordres ont visiblement été donnés aux députés socialistes. Si ça se confirme, c’est une ingérence extrêmement grave de l’exécutif dans le législatif. Nous avons donc refusé de participer à une parodie de commission » a déclaré Daniel Fasquelle cité par le Nouvel Observateur [9],
  • « C’est le fait du prince qui va nourrir auprès de l’opinion publique une forte suspicion. Cette mascarade de commission d’enquête, à laquelle nous ne pouvons plus participer sous peine d’apparaître comme une caution, donne le sentiment de vouloir protéger le gouvernement », a déclaré Georges Fenech cité par le Figaro [10].

Quant à l’ancien président de l’assemblée nationale sous le mandat de Nicolas Sarkozy, Bernard Accoyer [11], il déclare sur twitter :

Loi anti fraude fiscale : [12]

 

 

 

 

 

 

 

 

Ben voyons.

Sous le quinquennat Sarkozy lorsque Bernard Acoyer présidait l’Assemblée nationale, il y a eu des refus des demandes de l’opposition de commissions d’enquêtes sur les sondages de l’Elysée [13], et surtout, avec les évolutions récentes, sur l’affaire Karachi [14]. Il y a au moins là une commission. Et je ne parle pas du refus d’auditionner Carla Bruni pour l’affaire dite des infirmières bulgares (Voir article de L’Express [15]).

Pour ce qui est de Jean-François Copé, lui aussi a réagi. Cité par L’Express [16] il a déclaré : « Il est impensable que le Premier ministre ne soit pas auditionné (…) « Cette majorité, si prompte à donner des leçons de morale, de droiture et de recherche de la connaissance de la vérité, ne peut pas refuser l’audition du chef du gouvernement afin de connaître la vérité sur cette affaire d’État ».

Rémy Garnier rappelle dans sa lettre ouverte à François Baroin précitée que  Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement,  et Thierry Breton, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, ont maintenu par arrêté du 21 mars 2007 une sanction à son encontre (Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Économie, a suspendu Rémy Garnier le 20 juillet 2004 du service de la vérification fiscale pour une durée de deux ans, dont un avec sursis par un arrêté cosigné par le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l’État, Dominique Bussereau) pourtant annulée par le Conseil Supérieur de la Fonction Publique : Le Conseil supérieur de la Fonction publique, saisie par un recours, avait recommandé, le 30 mai 2006, une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours en raison « du contexte conflictuel» entre l’intéressé et sa hiérarchie, comme le rappelle La Dépêche [17].

Le chemin de la vérité non partisane

Au total, l’arbre des causes oblige d’auditionner Jean-Marc Ayrault, mais aussi, en élargissant la période en remontant le temps, au moins également :

  • Christian Sauter [18], qui a annulé le redressement la coopérative France-Prune, société fondée par le père de Laurence Parisot, présidente du MEDEF (2005-2013) le 2 juin 1999 : c’est très intéressant car on est là à la frontière de la légalité et de l’opportunité pour ne pas dire de la politique qui interroge sur l’Etat de droit. De telles interventions en faveur d’entreprises qui ne respectent pas la loi (que ce soit la loi fiscale, le code du travail…) sont tout simplement scandaleuses dans un Etat de droit sur le principe et par la gauche en particulier. L’argument avancé du risque pour l’emploi n’est pas recevable (En 2011, Jérôme Cahuzac, cité par Sud Ouest [19], reconnaît implicitement que Rémy Garnier a été sanctionné sur décision politique : « Je suis intervenu parce que la question de la survie de la coopérative (France-Prune) m’a convaincu. Mais quelle était ma légitimité à plaider pour lui (Rémy Garnier) auprès d’une administration qui l’a jugé dérangeant plutôt que d’utiliser ses qualités ? Un piège lui a été tendu en 2001 lorsqu’il a été réinvesti sur le dossier France-Prune. J’avais d’autant moins à m’en mêler que je n’étais plus député »)
  • Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Économie, qui a suspendu Rémy Garnier le 20 juillet 2004 du service de la vérification fiscale pour une durée de deux ans, dont un avec sursis par un arrêté cosigné par le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l’État, Dominique Bussereau.
  • Jean-François Copé, qui a maintenu les sanctions contre Rémy Garnier malgré la position du Conseil Supérieur de la Fonction Publique.
  • Thierry Breton, qui a maintenu les sanctions contre Rémy Garnier malgré la position du Conseil Supérieur de la Fonction Publique.
  • Philippe Rambal, directeur adjoint, signataire d’un arrêté ministériel au nom du ministre du Budget Éric Woerth entérinant une sanction : pour avoir consulté le dossier de Jérôme cahuzac, Rémy Garnier a été sanctionné le 19 juin 2008 d’un avertissement par Joseph Jochum, directeur de la Direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest, dans un rapport adressé à Philippe Parini, directeur général de la Direction générale des Finances publiques.
  • François Baroin, destinataire en 2011 d’une lettre ouverte d’interpellation claire avec rappel de décisions favorables le concernant et corroborant qu’il n’est pas un « zozo » comme on a voulu le faire passer

 

Loi anti fraude fiscale : [20]

Extrait de la lettre ouverte de R. Garnier à F. Baroin

 

En conclusion, dans ce dossier Cahuzac les éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’Etat débutent sous la droite : c’est elle qui a exécuté le fonctionnaire qui voulait faire son devoir de citoyen et ainsi protégé Cahuzac. Dans ce contexte il est plaisant d’apprendre que Cahuzac a même eu une gratification par Nicolas Sarkozy révélée par Sud Ouest [21] :  Jérôme Cahuzac se serait vu bénéficier d’un « supplément de 250 000 euros supplémentaires au titre de la réserve ministérielle. Dévolue au ministère de l’Intérieur, cette seconde réserve (forte de 20 millions d’euros en tout) avait été prise en main par Nicolas Sarkozy au cours de son quinquennat. L’Elysée décidait seul des élus qui allaient bénéficier d’un rab, issu cette fois du ministère. Sous forme de 2 subventions de 50 000 et 200 000 euros, ce petit supplément a donc servi à la restructuration d’un parking situé près de l’hôtel de ville et à des travaux de voirie à… Villeneuve sur Lot, la ville dont Jérôme Cahuzac était maire ».

Je m’exprime là que citoyen dirigeant, plutôt électeur de droite, qui trouve insupportable les élus donneurs de leçons à une période où l’on parle de moralisation de la vie publique et de la vie économique avec des finances publiques exsangues à cause de toutes ces turpitudes,  à cause de toutes leurs turpitudes.

Alors que la droite – qui n’est pas fichue de gérer en bon père de famille une association qu’est un parti politique et prétend savoir faire mieux – réclame une baisse des dépenses publiques et du nombre de fonctionnaires en particulier, ainsi que je l’ai écrit et c’est très simple. Ceux qui n’appliquent pas la loi et ne font pas appliquer la loi, et plus généralement ceux qui manquent au devoir du service public doivent être radiés des cadres.

Le ministère de la justice a précisé naguère que L’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale fait obligation à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit » d’en aviser sans délai le procureur de la République. Cette obligation, de portée générale, n’est pas sanctionnée pénalement, mais peut éventuellement constituer une faute disciplinaire. Le concept d’« autorité constituée » recouvre toute autorité, élue ou nommée, nationale ou locale, détentrice d’une parcelle de l’autorité publique. Ces dispositions ont donc vocation à s’appliquer aux élus et aux ministres, à la condition que la connaissance de l’infraction ait été acquise dans l’exercice de leurs fonctions (Question écrite n° 04972 de M. Jean Louis Masson – Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 25/04/2013 – page 1360)

Quant aux élus qui manquent aux devoirs de leur mandat, qu’ils soient de droite au de gauche, il incombe aux partis de ne pas leur donner l’investiture aux élections, et si c’est malheureusement le cas, aux électeurs de les sanctionner. Malheureusement les partis, aux dirigeants mal élus, comme les électeurs ne prennent pas leurs responsabilités.

Au total, la « commission Cahuzac » est révélatrice du manque de légitimité de ceux qui prétendent écrire la loi notamment pour régir les relation salariés-patrons