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Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ?

Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ?

La presse locale de Lorraine, le Républicain Lorrain en l’occurrence, s’est fait l’écho dans plusieurs articles, de la question des restructurations hospitalières de Moselle Est sous la Houlette de la tutelle : l’ARS (Agence Régionale de Santé) de Lorraine. « L’ARS dément les informations » (23/12) « Réforme des hôpitaux : ce que dit le rapport Altao » (23/12 et 22/12) « Le rapport qui va fâcher en Moselle-Est » (22/12) « 400 manifestants pour une offre de soins en Moselle-Est » (16/12) « Il faut stopper la casse hospitalière » (15/12) « Robert-Pax : le plan de retour à l’équilibre ne sera pas décalé » (15/12) « Hôpitaux : monsieur d’Harcourt a du travail » (14/12) « Ne pas ralentir l’organisation des soins » (14/12) « Un nouveau directeur à la tête de l’ARS » (13/12) Je ne sais pas comment sont les autres ARS mais celle de Lorraine, en Moselle en l’occurrence, et en Moselle est en particulier, a montré une propension à agir d’une manière qui n’est pas conforme à celle attendue d’une administration dans un Etat de Droit. Petite analyse rétrospective à partir des articles précités

Un nouveau boss pour une ARS qui a été citée dans les pages faits divers

Un nouveau directeur a été nommé à la tête de l’ARS Lorraine, nommé en Conseil des ministres du 12 décembre 2012. Comme le rappelle le Républicain Lorrain, ancien directeur général des services départementaux de l’Essonne, Jean-François Bénévise dirigeait l’ARS de Lorraine depuis juillet 2011 ayant succédé à Jean-Yves Grall, l’actuel directeur général de la Santé. Et le Républicain Lorrain de préciser que, contactée, l’Agence régionale n’a pas communiqué sur ces départs et nomination.

. Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ? [1]Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ? [2]Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ? [3]

 

 

 

 

 

Il est remarquable que le site de l’ARS soit muet sur cette nomination alors qu’il y avait eu une information pour la nomination de Mr Bénévise dans la rubrique « Tous nos actualités » (actualité 2011, juillet 2011) dès le lendemain de sa nomination en Conseil des Ministres.

L’information sur la nomination et les délégations afférentes par le préfet qui ignore manifestement le foutoir dans la gestion de la Moselle a pourtant été publiée dans le Recueil des Actes Administratifs (Consulter : ARS délégation [4] ).

Il n’est pas interdit de penser qu’il n’a pas été félicité pour son action qui s’est inscrite dans les pas de celle de son prédécesseur, en particulier en Moselle, par les « cadavres » sous prétexte de restructuration aussi bien dans le public (Dr Roux à Metz, Jean Thomann à Forbach…) que dans le privé (Hospitalor, Alpha Plappeville, Alpha Santé…). En matière de gouvernance, il faut garder à l’esprit que le président du CA a peu voire pas de contrôle sur le directeur d’hôpital public nommé par la tutelle, contrairement à un directeur du privé pour lequel le président du CA hiérarchique du directeur et dirigeant de droit est 100% responsable ne pouvant exonérer sa responsabilité par une délégation car il doit contrôler son délégataire en tant que délégant. Quand à la tutelle, pour le privé dès lors que des fonds publics sont en jeu par une mauvaise gouvernance elle est pleinement concernée par tout ce qui a trait à la gestion alors qu’elle m’a soutenu le contraire. Elle aurait du voir venir les problèmes de gestion ; mais il est vrai qu’elle n’a ne les a pas vu venir pour des établissements publics, à l’instar de l’Hôpital de Sarreguemines en Moselle Est.

Le cas symptomatique des hôpitaux de Sarreguemines

L’article L. 6143-7 du code de la santé publique (version antérieure à la loi HPST) dispose que : « Le directeur représente l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il prépare les travaux du conseil d’administration et lui soumet le projet d’établissement. Il est chargé de l’exécution des décisions du conseil d’administration et met en œuvre la politique définie par ce dernier et approuvée par le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation. Il est compétent pour régler les affaires de l’établissement autres que celles qui sont énumérées à l’article L. 6143-1. Il assure la gestion et la conduite générale de l’établissement, et en tient le conseil d’administration informé. A cet effet, il exerce son autorité sur l’ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l’administration des soins et de l’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art. Le directeur ordonnateur des dépenses peut procéder en cours d’exercice à des virements de crédits entre les comptes d’un même groupe fonctionnel. Ces virements sont portés, sans délai, à la connaissance du comptable, du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation et du conseil d’administration dans sa plus proche séance. Le directeur peut déléguer sa signature dans des conditions fixées par décret. » Il s’avère que la gestion du directeur soutenu par la tutelle, qui a fait valoir ses droits à la retraite en 2009 a été appréciée particulièrement sévèrement par la Chambre Régionale des Comptes (CRC), qui a mis en exergue un déficit de l’ordre 5 millions d’euro en faisant les recommandations suivantes qui parlent d’elles-mêmes (page 52 du rapport : LOR201036 – Gestion BS reco [5]):

  1. Respecter le principe du rattachement des charges comme des produits à l’exercice.
  2. Mettre en œuvre les techniques réglementées des provisions.
  3. Veiller à assurer, par la formation de l’autofinancement, les ressources suffisantes pour le remboursement des emprunts importants contractés pour la construction du nouvel hôpital.
  4. Définir explicitement la stratégie de l’établissement en matière d’offre de soins par l’actualisation, en particulier du projet d’établissement.
  5. Veiller à optimiser les moyens présents sur les sites de Sarreguemines et de Bitche dans la cadre de leur complémentarité.
  6. Mettre en œuvre les principes de la nouvelle gouvernance.
  7. Mettre tout en œuvre, pour vendre le plus rapidement possible, l’ancien hôpital.
  8. Mettre en œuvre une comptabilité analytique adaptée aux besoins d’une gestion dépendante des ressources liées à l’activité clinique (T2A).
  9. Etablir des tableaux de bord aux niveaux appropriés, notamment des pôles d’activités, en adéquation avec les principes de la nouvelle gouvernance.
  10. Se donner les moyens, notamment auprès des praticiens hospitaliers, pour réunir de manière exhaustive les éléments nécessaires à la facturation des soins à l’assurance maladie dans le cadre du système de la T2A.
  11. Veiller à respecter les dispositions en vigueur en matière de temps de travail des agents.
  12. Maîtriser davantage l’absentéisme des personnels.
  13. Procéder au recrutement des agents, dans le respect de la réglementation.
  14. Suivre plus précisément la conformité de l’exercice de l’activité libérale avec les termes des contrats signés par les praticiens autorisés.

Les recommandations 1 et 2 renvoient directement à l’image fidèle des comptes. Le résultat a été 5 millions de déficit dont la presse et les syndicats se sont fait l’écho et l’établissement paie aujourd’hui ces/ses erreurs de gestion et gouvernance. A ma connaissance il n’y a eu aucune mise en cause du directeur gestionnaire suite au rapport de la CRC ; il a pris sa retraite devenant même « expert accrédité » par la tutelle pour au moins une restructuration de la Moselle Est, produisant à la demande de son ancien subordonné devenu le nouveau directeur de l’établissement, un travail approximatif et partial soutenu par la tutelle : or le dossier de restructuration présenté n’est pas ce qui a été réalisé pour des dépenses relevant du seul pouvoir de direction et d’organisation. Le Conseil d’Administration a manqué à tous ses devoirs alors que la nouvelle direction se targuait de « nouvelle gouvernance » et de confiance de la tutelle. Madame Podeur, ancienne Directrice Générale de l’Offre de Soins au ministère de la Santé, a été informée à deux reprises par courrier recommandé avec AR des dysfonctionnements. Sans conséquences. Madame Kirsh, déléguée territoriale de Moselle a été informée par courriels dont elle a accusé réception des dysfonctionnements. Sans conséquences, ni réponse. Très intéressant comme attitude en période de crise et de déficits publics et sociaux, à comparer à ce qui s’est passé il y a quelques semaines pour Sciences Po Paris et qui peut éclairer sur la gouvernance perfectible pour le moins de l’ARS Lorraine sous la houlette de Messieurs Grall et Bénévise, mais aussi de la direction responsable au ministère, que Madame Podeur a quitté depuis pour entre autres présider le jury de l’ENA.

La mission Altao : une démarche malsaine

J’en viens au rapport Altao qui a fuité. Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ? [6]Gouvernance et gestion : hôpital quo vadis ? [7] Il est remarquable que le site internet de l’ARS Lorraine ne parle pas de la mission ALTAO. La seule trace est par raccroc page 27 dans une présentation de Mr Bénévise fin novembre cette année (conférence de presse du 28 novembre 2012) : « Réponse médicale en cours (Cabinet Altao) : spécialisation des sites, développement d’alternatives pour attirer des ressources médicales nouvelles aux cotés des forces existantes ; + traduction immobilière ; respect des délais prévus et retour vers les acteurs pour une concertation en décembre ». Le Républicain Lorrain précise que le cabinet d’audit privé Altao est intervenu confidentiellement sur commande des services de l’Etat que sont l’ARS et l’Igas (inspection générale des affaires sociales). L’ARS a eu beau démentir et préciser que l’expertise Altao propose des pistes de réflexion qui n’engagent que le consultant et ne préjuge pas des décisions qui seront prises par l’ARS le moment venu en fonction du dialogue avec les communautés médicales et les organisations syndicales, on ne peut être que choqué par le recours à un cabinet privé sans transparence :

  • quid du choix d’un cabinet privé : les services de l’Etat sont-ils nuls au point de ne pouvoir produire une telle étude (quand on voit le comportement de certaines personnes de l’IGAS par exemple, il n’est pas interdit de le penser) ?
  • quid du coût ?
  • quid d’un appel d’offre pour la réalisation de cet audit ?
  • quid de l’association des acteurs à la discussion pour la validité des préconisations ?

Les questions de bon sens ne sont pas exhaustives. Le nouveau boss de l’ARS (Claude d’Harcourt) doit faire le ménage dans son administration et engager toutes les responsabilités de ceux ayant ou ayant eu le pouvoir de direction et/ou de décision y compris des retraités arrogants lorsqu’ils étaient en poste et qui ont conduit à des situations qui montrent que la certification de la Haute Autorité de Santé n’est pas pertinente. La qualité dans les établissements sanitaires et sociaux (certification pour les hôpitaux ou évaluation pour le médico-social) apparait comme une farce en l’état actuel, farce qui prêterait à dire si il n’y avait pas des drames humains pour les salariés victimes de jeux politiques, mais aussi pour les patients ou résidents car il y a sans nul doute des passerelles entre harcèlement moral et maltraitance. Elle est en réalité un outil de communication pour les mauvaises directions que ceux qui ont leur pouvoir d’agir (Conseils d’Administration et/ou tutelle non soumis au pouvoir de direction) ne contrôlent pas, et elle ne préjuge en rien de la qualité du management et de la gouvernance à une période de déficits publics et sociaux. On peut relire les conclusions du rapport sur l’Hôpital Robert Pax après mesure de suivi « Au vu des éléments mentionnés dans le présent additif au rapport de certification issus du rapport de suivi, la HAS prononce la certification » (juin 2010). On connaît la suite… En période de crise, faute de financement, hôpitaux et établissement sociaux doivent être dirigés par des personnes qui ont le souci de faire primer le droit sur les rapports de force pour ne pas hypothéquer les budgets de fonctionnements par des procès avec les parties prenantes. Alors qu’il y a trop de fonctionnaires, il n’y a pas de place dans les administrations pour les fonctionnaires qui font mal leur travail et/ou soutiennent des situations non conformes à la loi.