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Déficit des hôpitaux : lettre à un directeur

Déficit des hôpitaux : lettre à un directeur

Objet : Restructurations hospitalières de Moselle Est

 

Monsieur Kneib,

Vos propos rapportés dans trois articles du Républicain Lorrain de samedi 29/12/2012 (« Des mondes en quête d’équilibre [1]« , « Le plan de bataille de la direction de l’hôpital de Sarreguemine [2]s » et « Moselle Est : comment sortir l’Hôpital du rouge ? [3]« ) ont attiré toute mon attention, suivant de près les restructurations hospitalières en Moselle Est et me font vous adresser cette lettre ouverte.

Je m’étonne qu’à aucun moment, ni par vous ni par la tutelle, ne soit mis en question la gestion de votre prédécesseur.

Il s’avère que la gestion du directeur qui a fait valoir ses droits à la retraite en 2009 a été appréciée particulièrement sévèrement par la Chambre Régionale des Comptes (CRC) [4]: elle a mis en exergue un déficit de l’ordre 5 millions d’euro.

Cité par www.infirmiers.com, Pascal Schmit, votre directeur adjoint, précisait à l’Agence de Presse Médicale (APM) que les difficultés financières « n’étaient pas dues à une mauvaise gestion de l’hôpital » (article ‘Hôpital de Sarreguemines : situation financière « très critique »‘, 6 janvier 2011 mis à jour le 17 janvier 2011 [5]).

Outre qu’en psychologie l’usage d’une négation (les difficultés financières NE SONT PAS DUES à une mauvaise gestion de l’hôpital) signifie le contraire, il suffit de lire les recommandations page 52 du rapport daté du 29 juillet 2010 de la CRC, qui n’ont pas été analysées dans les médias, pour contredire cette affirmation :

  1. Respecter le principe du rattachement des charges comme des produits à l’exercice.
  2. Mettre en œuvre les techniques réglementées des provisions.
  3. Veiller à assurer, par la formation de l’autofinancement, les ressources suffisantes pour le remboursement des emprunts importants contractés pour la construction du nouvel hôpital.
  4. Définir explicitement la stratégie de l’établissement en matière d’offre de soins par l’actualisation, en particulier du projet d’établissement.
  5. Veiller à optimiser les moyens présents sur les sites de Sarreguemines et de Bitche dans la cadre de leur complémentarité.
  6. Mettre en œuvre les principes de la nouvelle gouvernance.
  7. Mettre tout en œuvre, pour vendre le plus rapidement possible, l’ancien hôpital.
  8. Mettre en œuvre une comptabilité analytique adaptée aux besoins d’une gestion dépendante des ressources liées à l’activité clinique (T2A).
  9. Etablir des tableaux de bord aux niveaux appropriés, notamment des pôles d’activités, en adéquation avec les principes de la nouvelle gouvernance.
  10. Se donner les moyens, notamment auprès des praticiens hospitaliers, pour réunir de manière exhaustive les éléments nécessaires à la facturation des soins à l’assurance maladie dans le cadre du système de la T2A.
  11. Veiller à respecter les dispositions en vigueur en matière de temps de travail des agents.
  12. Maîtriser davantage l’absentéisme des personnels.
  13. Procéder au recrutement des agents, dans le respect de la réglementation.
  14. Suivre plus précisément la conformité de l’exercice de l’activité libérale avec les termes des contrats signés par les praticiens autorisés.

En particulier, les recommandations 1 et 2 renvoient directement à l’image fidèle des comptes : ne pas appliquer le principe du rattachement des charges comme des produits à l’exercice et ne pas mettre en œuvre les techniques réglementées des provisions ne permet pas de réaliser la réalité d’une situation financière.

Le résultat a été 5 millions de déficit dont la presse et les syndicats se sont fait l’écho en janvier 2011 et l’établissement paie aujourd’hui ces/ses erreurs de gestion et gouvernance dont font les frais les patients et le personnel.

A ma connaissance il n’y a eu aucune mise en cause de votre prédécesseur suite au rapport de la CRC ; il est même devenu « expert accrédité » par la tutelle et j’ai eu l’occasion d’évaluer les carences graves en matière de management et gouvernance de ses analyses.

Ainsi que je l’ai écrit à plusieurs reprises à Mme Polo du Service Offre de Soins à la DDASS de la Moselle, à Mme Kirsch de la Délégation Territoriale de Moselle à l’ARS et à Mme Podeur de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) au ministère, qui ont accusé réception mais ignoré les alertes, on ne peut restructurer ou réformer un établissement en ignorant le droit et les vraies responsabilités (pouvoir de direction et de décision ; pouvoir de contrôle) du passé, en l’occurrence ici à l’hôpital public de Sarreguemines celles en vertu de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique [6], la tutelle ne pouvant là se défausser sous prétexte d’établissement privé, encore que la tutelle soit pleinement concernée par tout ce qui se passe dans les établissements surtout dès lors que des deniers publics sont en jeu mais même indépendamment (Cf. rapport en 2009 de la Cour des Comptes, qui s’étonne à la CPAM de Boulogne des inerties de la tutelle face à des déroulements de carrière atypiques, au recrutement non-professionnel du personnel, à la révision à la baisse des missions d’un salarié protégé sans respect des procédures légales, à des faits de harcèlement moral établis … : Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 16 septembre2009, Chapitre IV : Le réseau d’alerte, page 95 [7]).

Alors que la Cour des Comptes à ouvert la voie à des sanctions suite à son rapport sur la gestion de Sciences Po Paris [8] et que le pays traverse une crise économique avec des déficits publics et sociaux sans précédent, en tant que Conseil en gouvernance, citoyen et contribuable qui attend des fonctionnaires qu’ils appliquent la loi et fassent appliquer la loi notamment dans leur domaine de compétence, j’ai une exigence de vérité et de sanction sur tout ce qui s’est passé contraire à un Etat de droit ces dernières années sur le TSP N°8 de Moselle sous prétexte de qualité et restructuration.

On le doit aux patients et résidents qui sont citoyens et contribuables. On le doit aux personnel qui n’ont pas pris partie POUR les jeux politiques : également citoyens et contribuables, ils méritent le respect dans la restructuration nécessaire.

Dans l’attente d’une prochaine rencontre pour voir dans quelle mesure je pourrais vous aider à mener à bien cette restructuration, je vous prie d’agréer, Monsieur Kneib, l’expression de ma considération distinguée.

Jérôme TURQUEY

 

 

Copie :

– Républicain Lorrain

– Directeur Général de l’ARS

– Ministre de la Santé

 

Lettre JC Kneib [9]

Déficit des hôpitaux : lettre à un directeur [10]

Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tonneau_des_Dana%C3%AFdes.jpg