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Qu’est ce que la responsabilité sociétale des entreprises ?

Qu’est ce que la responsabilité sociétale des entreprises ?

La responsabilité sociétale des entreprises est très à la mode. Mais il n’y a pas de visibilité convaincante sur le retour sur investissement des actions menées faute d’indicateurs chiffrés pertinents, d’intégration de la démarche vis-à-vis de la chaîne de valeur de l’entreprise et de mesure de l’effet de la RSE sur le chiffre d’affaires des entreprises.
Après avoir rappelé l’importance du sujet dans les entreprises, je présenterai trois exemples concrets chiffrables que j’ai rencontrés en expliquant mon approche du sujet.

La RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise)

La prise en considération du sujet de la responsabilité sociétale des entreprises par les professionnels

Le sujet de la RSE intéresse aussi bien les entrepreneurs que les professionnels de la comptabilité.

Les entrepreneurs

Le MEDEF a publié en juin 2012 le guide « CAP vers la RSE -Faire de la responsabilité sociétale de l’entreprise un levier de performance [1]» et cite parmi les 10 raisons de s’engager dans une démarche RSE :

2.  Parce  que  soucieux  de  la  valeur de  votre  entreprise  à  moyen-long terme  et  de  sa  pérennité,  vous avez  compris  que  la  RSE  est  un véritable  levier  de  performance,  un moyen  d’améliorer  son  efficacité économique et financière (réduction des coûts, facteur d’innovation et de création de recettes nouvelles, etc.),  un levier de préservation de la valeur de ses actifs, un moyen de maîtriser ses  risques  qu’ils  soient  environnementaux,  juridiques,  financiers,  sociaux ou d’image ;

3.  Parce que vous souhaitez intéresser les investisseurs, les banques, les assurances  qui  interrogent  de  plus en plus les entreprises sur leurs pratiques  environnementales,  sociales et  de  gouvernance  (ESG)  avant  d’y investir, d’accorder un prêt, etc. ;

5.   Parce  que  vous  souhaitez  anticiper  la  réglementation  plutôt  que d’attendre  qu’une  contrainte  vous  y oblige ;

8.  Parce  que  de  plus  en  plus d’études  montrent  que  les  moyens humains  et  financiers  investis  dans une démarche RSE ont un retour sur investissement qui permet des bénéfices concrets pour votre entreprise ;

Du côté des PME, le baromètre 2013 des CCI France et de la CGPME [2]confirme le fait que les PME sont conscientes que la RSE et les achats responsables  sont  un  véritable  levier de  compétitivité  et  de  motivation  des  salariés.  Le principal moteur d’une démarche RSE se trouve bel et bien au cœur de la vision personnelle  stratégique du chef d’entreprise.
Pour autant l’étude BDO & Malakoff Médéric [3] met en exergue que la priorité des PME ne semble pas d’investir dans cette démarche. Ainsi, Marion Perroud résume-t-elle [4]que deux tiers des petites entreprises sondées (CA inférieur à 10 M€) confient le suivi de ces problématiques à un seul collaborateur à plein-temps voire à aucun salarié (dans près de 15% des cas), qu’aucun service spécifique ni budget propre n’est d’ailleurs dédié à la RSE dans près de la moitié des petites sociétés alors que le top 3 de leurs priorités stratégiques (se différencier sur le marché, encourager l’innovation et communiquer en externe) semble totalement en phase avec les enjeux de la RSE. Et d’ajouter que l’un  des principaux freins identifiés est le manque de visibilité sur le retour sur investissement des actions menées en la matière dans 40% des cas. En cause notamment, la difficulté à mettre en place des indicateurs chiffrés pertinents, la déconnexion de cette démarche vis-à-vis de la chaîne de valeur de l’entreprise ou encore le faible impact de la RSE sur le chiffre d’affaires de la société. Sans surprise, la moitié des petites entreprises affirment ainsi ne pas avoir l’intention d’instaurer un reporting RSE dans les années à venir.

Les professionnels de la comptabilité

Les professionnels de la comptabilité se sentent également concernés.

  • Ainsi le guide « l’expert »comptable et la RSE [5]» qui  présente le contexte et les enjeux de la RSE en proposant aux experts comptables des outils pratiques pour réaliser leurs missions auprès des PME : grille de questionnement, diagnostic RSE… a-t-il été publié par l’OEC en septembre 2012
  • Il existe même un « trophée RSE de la profession du chiffre et conseil [6]» pour encourager les clients dans leur démarche RSE, dont la 14e édition a eu lieu l’année dernière.
  • De même les grands cabinets d’audit se saisissent de la question comme opportunité à l’instar de Deloitte, Alain Pons, Président de la Direction générale de Deloitte en France et membre de l’Exécutif mondial, précisant que « la responsabilité sociale et environnementale devient année après année un sujet majeur pour les acteurs de l’économie. Ce faisant, Deloitte renforce sa vocation de tiers de confiance au service de ses clients et de la société » (Communiqué de presse du 1er juillet 2013)  .
  • L’AMF a mis en exergue dans son Rapport sur l’information publiée par les sociétés cotées en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale [7], que parmi  les  sociétés  ayant  fait  vérifier  leurs  informations  RSE  par  un  OTI,  21 %  ont  choisi  de  faire  appel  à  leur collège de commissaires aux comptes et 63 % à l’un au moins de leurs commissaires aux comptes (en association éventuellement  avec  un  cabinet  non  CAC  de  la  société). 11 %  des  sociétés  de  l’échantillon  ont  fait  appel  à  un cabinet  d’audit  non  commissaire  aux  comptes  de  la  société.  Deux  sociétés  ont  fait  appel  à  un  vérificateur indépendant hors cabinet d’audit.

Les 7 principes de la responsabilité sociétale des entreprises exprimés dans l’ISO 26000

ISO 26000 [8] définit 7 principes de la RSE.

1.    Redevabilité
Répondre de ses impacts sur la société, l’écresponsabilité sociétale des entreprisesonomie et l’environnement

2.    Transparence
Assurer la transparence des décisions et des activités lorsque celles-ci ont une incidence sur la société et l’environnement

3.    Comportement éthique
Fonder le comportement sur les valeurs de l’honnêteté, de l’équité et de l’intégrité

4.    Reconnaissance des intérêts des parties prenantes
Reconnaître et prendre en considération les intérêts des parties prenantes et y répondre.

5.    Respect du principe de légalité
Accepter la primauté du droit : aucun individu ou organisation n’est au-dessus des lois ; les pouvoirs publics y sont également soumis.

6.    Prise en compte des normes internationales de comportement
Prendre en considération les normes internationales de comportement tout en respectant le principe de légalité. activités qui ne seraient pas en cohérence avec les normes internationales de comportement.

7.    Respect des droits de l’Homme
Accepter l’importance et l’universalité des droits de l’homme.

NB : En France le principe 7 est inclus dans le bloc de constitutionnalité (Conseil Constitutionnel, « Liberté d’association » du 16 juillet 1971 : le préambule de la Constitution de la Cinquième République française est un texte d’introduction à la Constitution française. Sa portée juridique réside principalement dans des renvois à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et, depuis 2005, à la Charte de l’environnement, intégrant ainsi ces textes au bloc de constitutionnalité).

Les conditions d’obtention de résultats positifs

Les conditions d’obtention de résultats positifs avec la responsabilité sociétale des entreprisessont de :

  • Bien connaître ses parties prenantes pour développer les dynamiques qui existent entre ces parties prenantes pour gagner en efficacité économique ;
  • S’abstenir de faire une lecture normative couteuse : outre les principes et l’explication de ce que sont les parties prenantes, la norme ISO 26000 décrit des lignes directrices d’une part relatives aux questions centrales de responsabilité sociétale (gouvernance, droits de l’homme, relations et conditions de travail, environnement,  loyauté des pratiques, questions relatives aux consommateurs, communautés et développement local) et d’autre part relatives à l’intégration de la responsabilité sociétale dans l’ensemble de l’organisation (relation entre les caractéristiques de l’organisation et la responsabilité sociétale, appréhender la responsabilité sociétale de l’organisation, pratiques d’intégration de la responsabilité sociétale dans l’ensemble de l’organisation, communiquer sur la responsabilité sociétale, améliorer la crédibilité en matière de responsabilité sociétale, revoir et améliorer les actions et pratiques de l’organisation liées à la responsabilité sociétale, initiatives volontaires en matière de responsabilité sociétale ) : une littérature abondante commente ces lignes directrices pour mise en œuvre (voir par exemple la par exemple la bibliographie du centre de documentation de l’ENA sur le développement durable, mise à jour en février 2014 [9], mise à jour en février 2014). Cette approche tend à enfermer la RSE dans une lecture morale – des interdits, des « bons points »  – et/ou intellectuelle qu’elle ne doit pas avoir ;
  • S’abstenir d’en faire un outil de communication dévoyé dans l’esprit du « greenwashing » par des actions marketing superficielles (faire un don avec communiqué de presse, participer à des actions caritatives avec communiqué de presse…)  sans utilité à moyen et long terme pour l’entreprise et ses parties prenantes. C’est malheureusement l’essentiel de la communication des entreprises en matière de RSE.
    Une communication comme celle de la société Armor est en revanche pertinente avec le ton juste :

Armor, une success story – L’ETI nantaise aide ses clients à mettre en place leur propre démarche de RSE (L’Usine Nouvelle [10], n°3344, 12 septembre 2013 [10])

Fort de 1 900 salariés dont 700 en France, Armor s’est imposé comme le leader français des consommables d’impression. L’ETI nantaise détient 20% du marché des cartouches pour imprimantes jet d’encre ou laser. Elle est également l’un des principaux acteurs mondiaux des jumbos, les énormes bobines de film sur lesquelles sont imprimés les codes-barres de tous types. 33% des codes-barres mondiaux (ce chiffre s’élève à 50% en Europe) sont dus à Armor, une activité qui représente deux tiers de son chiffre d’affaires équivalent à 200 millions d’euros en 2011, avec une tendance de croissance de 10% en 2012. La recette : le développement durable comme argument de vente. Avec 140 millions de cartouches laser produites par an, ce secteur d’activité représente un enjeu très important de développement durable. Armor ne se contente pas de développer des produits respectueux de l’environnement, elle aide ses clients à mettre en place leur propre démarche de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) en leur facilitant le recyclage des cartouches utilisées et en leur apportant les éléments de traçabilité qui leur permettent de valoriser cette action dans leur bilan. Armor apporte à ses grands clients un support pour sensibiliser leurs collaborateurs au recyclage des cartouches et mettre en place des procédures internes opérationnelles. Elle dépêche des formateurs qui organisent des conférences de sensibilisation auprès du personnel de ces grandes entreprises afin de souligner les enjeux considérables de cette démarche. Armor leur fournit également des « goodies » (pots à crayons, règles…) réalisés à partir du recyclage de ces déchets, afin de leur démontrer le résultat concret de leur démarche. L’ETI se démarque donc de la concurrence en enrichissant ses produits d’un véritable service complémentaire. Résultat : une hausse des ventes spectaculaire. En 2009, elles ont bondi de 40% malgré la crise. Si seules les entreprises du CAC 40 sont tenues de publier annuellement un rapport d’activité RSE, un nombre toujours croissant de grands comptes s’attache aujourd’hui à cette dimension. Objectiver, comme le fait Armor avec ses indicateurs, les résultats d’une démarche de développement durable et donc le mieux-disant qualitatif, est un argument commercial de poids pour conquérir la clientèle.

La mise en perspective pragmatique des principes présentés dans l’ISO 26000

Il faut que l’entreprise ait :

  • une approche économique et non « morale » des principes de l’ISO 26000 ;
  • une approche pragmatique des principes de l’ISO 26000, sans verbiage normatif ou de schémas théoriques, même si elle pourra ultérieurement, si c’est son choix, mettre en œuvre de manière plus systématique les lignes directrices.

Les principes RSE se retrouvent dans l’activité de l’entreprise : la démarche pertinente est de partir des situations rencontrées par l’entreprise pour y identifier les principes concernés et mettre en œuvre les actions correctives nécessaires pour le respect du principe.

Trois exemples très différents, qui peuvent être développés en workshop, illustrent cette mise en perspective pragmatique des principes.

Cas de la TVA à l’export hors UE

Parties prenantes

Dans ce cas les parties prenantes sont :

  • Le personnel de l’entreprise
  • Les transitaires (pour le maritime)
  • La SNCF (pour le rail)
  • Les services fiscaux
  • La douane

Enjeu économique de la RSE – Les « coûts de non-RSE »

Il n’est pas possible de prouver la sortie de l’entreprise, car elle n’est pas destinataire du statut BAE-ECS Sortie qui sert de preuve.

Il faut utiliser des preuves alternatives sous peine de ne pouvoir prouver cette sortie à l’administration fiscale et de devoir de payer la TVA correspondante majorée d’une amende de 5%

L’apurement des documents douaniers s’inscrit pleinement dans la majorité des principes de la RSE notamment par les mécanismes indispensables de coopération entre les parties prenantes.

L’enjeu annuel démontrable de la RSE est le montant de TVA pour lequel il n’y a pas de preuve de sortie+ amende de 5%.

Cas de la délégation de pouvoir

Parties prenantes

Dans ce cas les parties prenantes sont :

  • Le dirigeant (délégant)
  • Le(s) délégataire(s)
  • Le personnel
  • Les IRP
  • La CARSAT
  • La CPAM
  • Le médecin du travail
  • L’Inspection du Travail
  • (La presse)

Enjeu économique de la responsabilité sociétale des entreprises – Les « coûts de non-RSE »

Le dirigeant délégant, qui doit être lui-même exemplaire, peut voir sa responsabilité engagée s’il ne contrôle pas son délégataire qui est déloyal avec lui et avec l’entreprise. Cela peut aller jusqu’à une faute détachable du mandat.

Le contrôle et le cas échéant la sanction du délégataire par le délégant est indispensable et s’inscrit pleinement dans la majorité des principes de la RSE, notamment le comportement éthique

L’enjeu démontrable de la RSE dans ce cas est l’amende, les dommages et intérêts, la majoration du compte employeur… pouvant aller jusqu’à un montant conséquent du bilan.

Cas des aides publiques

Parties prenantes

Dans ce cas les parties prenantes sont :

  • L’administration ayant accordé une subvention
  • Le bénéficiaire de la subvention
  • Les concurrents  du bénéficiaire
  • (La presse)

Enjeu économique de la responsabilité sociétale des entreprises– Les « coûts de non-RSE »

La presse a rendu compte d’une subvention a été accordée par un organisme public.

De nombreuses aides et subventions publiques existent dans les domaines RH, innovation, investissement, fiscalité, plans de sauvegarde de l’emploi, prévention des risques professionnels (AFS)… Elles sont pour la plupart méconnues des entrepreneurs et les procédures pour y accéder peuvent s’avérer complexes.

Toute personne peut demander le dossier de subvention éventuellement après intervention de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs [11].

Le bénéficiaire de la subvention doit s’assurer que la subvention est dans les règles, ce que peut vérifier la concurrence qui a des voies de recours.

En application de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, « L’autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée. (…) Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention prévue au présent article et le compte rendu financier de la subvention doivent être communiqués à toute personne qui en fait la demande par l’autorité administrative ayant attribué la subvention ou celles qui les détiennent, dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 »

Après communication, il apparaît que

  • L’acte administratif accordant la subvention a un libellé qui ne correspond pas à l’objet de la subvention.
  • Il n’y a pas eu publicité de la subvention à l’égard des tiers (aucune publication dans le recueil des actes administratifs avec les actes administratifs du même jour).
  • La conditionnalité du courrier d’accompagnement au bénéficiaire (délai et pourcentage de l’aide pour une acquisition immobilière) n’a pas été respectée.

L’utilisation pertinente des aides publiques, s’inscrit pleinement dans la majorité des principes de la RSE, notamment la transparence, la légalité et la reconnaissance des intérêts des parties prenantes car la situation lèse les concurrents du bénéficiaire et plus généralement les entreprises en période de raréfaction de l’argent public.

L’enjeu démontrable de la RSE dans ce cas est de 300 000 EUR, montant de la subvention qui pourrait être réclamée au bénéficiaire.

 

Qu’est ce que la responsabilité sociétale des entreprises ? [12]

Source : https://pixabay.com/fr/social-responsabilit%C3%A9-silhouettes-200288/